Bagdad a sombré vendredi dans l’anarchie. Des hommes en armes errent dans les rues de la capitale irakienne, devenue la proie de pillages généralisés.
Deux jours après l’entrée des chars américains au coeur de la métropole de cinq millions d’habitants, la situation est désormais incontrôlable, rapportent les correspondants de Reuters dans la ville. « Ça a empiré depuis hier (jeudi). C’est l’anarchie », témoigne l’un d’eux, Khaled Yacoub Oweis.
Le CICR (Comité international de la Croix-Rouge), qui tente de venir en aide aux populations civiles, a déclaré douter qu’un seul hôpital soit encore en état de fonctionner en raison des saccages et de l’absence d’un personnel médical effrayé.
Une équipe du CICR s’est aventurée dans les rues mais n’a pas été en mesure de visiter tous les établissements médicaux de la ville, a déclaré à Genève une porte-parole de l’organisation qui venait de prendre contact avec le représentant du CICR à Bagdad, Roland Huguenin-Benjamin. Des petites cliniques ont fermé leurs portes et les grands hôpitaux sont inaccessibles.
Les employés du CICR ont seulement pu se rendre à la Cité médicale, où ils n’ont vu qu’une poignée de personnes. Les salles d’opération sont vides, a rapporté la porte-parole.
Nada Doumani a rappelé fermement aux Etats-Unis qu’en vertu des conventions de Genève, « c’est aux forces d’occupation d’imposer l’ordre public ».
VIOLENCES ET PILLAGES
En attendant, les reporters présents dans le centre-ville assistent à des scènes chaotiques.
Armé d’une Kalashnikov, affublé d’une casquette de baseball rouge, un jeune homme a tiré sur le conducteur d’une camionnette, qu’il a traîné hors du véhicule dont il s’est emparé. Il est impossible de dire si la victime est morte ou seulement blessée.
Un caméraman de Reuters a filmé des volontaires arabes tirant sur des civils en pleine rue. Ils se sont tournés vers lui, ont pointé leurs armes sur son visage en lui intimant de cesser de tourner.
A la clinique pour enfants de Mansour, l’ancien quartier administratif et huppé dans l’ouest de la ville, des hommes ont envahi les salles, se livrant semble-t-il à des pillages.
« Les pillards sont armés et tirent sur les gens. Il y a énormément d’armes à feu dans les rues », raconte un autre journaliste de Reuters, Hassan Hafidh, qui s’est rendu dans plusieurs quartiers.
A Kadhimiah, dans le nord-ouest, des centaines d’habitants ont pris d’assaut le QG des services de renseignement militaires à la recherche de leurs proches disparus sous le régime de Saddam Hussein.
Ils réclament l’aide des soldats américains pour secourir des gens qu’ils disent emprisonnés dans les cellules au sous-sol. Certains creusent le sol à main nue.
Par la suite, l’armée américaine est intervenue pour occuper le bâtiment, aux dires d’un correspondant de Reuters sur place.
Le bâtiment situé près de la grande mosquée de Kadhimiah, vénérée par les chiites, était l’un des sites les plus redoutés sous le régime de Saddam Hussein.
« Je cherche trois de mes frères qu’ils ont arrêtés dans les années 1980 », déclare un homme parmi la foule, Fayed Assour.
A Saddam City, gigantesque quartier pauvre abritant une population à majorité chiite dans le nord-est de la ville, des combats auraient opposé des habitants chiites à des fedayine, la milice fidèle à Saddam Hussein, d’après des sources militaires.
Dans les quartiers où sont déployées les troupes américaines, qui s’emploient à sécuriser des bases temporaires, la situation est plus calme.
Mais les soldats et les Marines sont nerveux. Un attentat suicide contre l’un des checkpoints qu’ils ont érigés dans la capitale a tué plusieurs d’entre eux jeudi soir.
Dans la deuxième ville du pays, Bassorah, le CICR déclare que les pillards ont endommagé un aqueduc récemment réparé qui fournit un approvisionnement en eau potable vital pour 1,5 million d’habitants.
« Les pillards s’attaquent même aux services publics de base. Nos délégués ont parlé au directeur d’un hôpital à Bassorah qui a dit qu’ils avaient réussi à défendre les entrées du bâtiment. Mais nous ne savons rien des autres établissements », a indiqué Nada Doumani.
Dans un message adressé aux Irakiens jeudi soir, le président George Bush a promis que l’armée américaine assurerait le maintien de l’ordre. Mais un porte-parole a souligné qu’il faudrait du temps avant que la situation se stabilise.
[source – yahoo.com]