La paix et la sécurité ont dominé la première journée du 22e sommet franco-africain sur lequel plane l’ombre omniprésente de la crise ivoirienne.
En séance publique ou dans le huis clos de la première session plénière, la présidence française et les représentants des 52 Etats africains présents à Paris, des Nations unies et de l’Union africaine ont multiplié les appels au règlement du conflit ivoirien et se sont efforcés d’en tirer les leçons.
Ouvrant les travaux, Jacques Chirac a de nouveau engagé les dirigeants ivoiriens à appliquer l’accord de Marcoussis.
« Aujourd’hui, les bases de la réconciliation nationale sont posées grâce aux efforts de tous les médiateurs (…) C’est à tous les Ivoiriens, et en premier lieu à ceux qui les représentent, de faire revivre, avec détermination et sincérité, une société apaisée », a déclaré le chef de l’Etat.
« Leur responsabilité est immense car le risque de fracture demeure », a-t-il ajouté, appelant « chacun au respect des engagements pris ».
Lui emboîtant le pas, le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, a lui aussi exhorté « tous les Ivoiriens, et en particulier leurs dirigeants politiques et le président (Laurent) Gbagbo, pour qu’ils fassent de l’accord qu’ils ont signé le mois dernier un premier pas concret vers la paix ».
LA REBELLION IVOIRIENNE ATTENDUE A PARIS
Longtemps considérée comme un havre de paix dans une Afrique de l’Ouest déchirée par les conflits, la Côte d’Ivoire a basculé dans la guerre civile à la suite d’une tentative de coup d’Etat manquée contre le président Gbagbo, le 19 septembre dernier.
En déployant 3.000 soldats sur le terrain, en s’activant sur le front diplomatique, la France a marqué son réengagement sur le continent africain après le fiasco rwandais de l’opération Turquoise, en 1994, et la quasi-paralysie induite par la cohabitation entre 1997 et 2002.
Le déploiement de l’opération Licorne a également révélé en creux l’insuffisance des moyens africains de réponse aux situations de crise.
A la tribune du Palais des Congrès, le Camerounais Paul Biya a jugé nécessaire « le renforcement des capacités africaines de réaction » tandis que le Gabonais Omar Bongo considérait en séance plénière qu' »il faudrait accélérer le processus permettant la prévention et le règlement des crises, faire en sorte que les délais de prévention et de règlement soient raccourcis ».
Selon Catherine Colonna, porte-parole de l’Elysée qui rapportait les propos du président du Gabon, il s’agit d’une « préoccupation partagée par tous, y compris la France ».
Près de quatre semaines après la signature de l’accord de Marcoussis, qui prévoit notamment la création d’un gouvernement de réconciliation nationale, le processus impulsé par la diplomatie française s’est enlisé.
Laurent Gbagbo a bien nommé Seydou Diarra au poste de Premier ministre mais il ne cache pas ses réticences à attribuer aux rebelles du Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI) les portefeuilles de la Défense et de l’Intérieur.
Le président ivoirien, qui était venu fin janvier à Paris pour valider l’accord de Marcoussis, a décidé cette fois de ne pas assister au sommet franco-africain, se faisant représenter par Seydou Diarra.
Mais les dirigeants de la rébellion ivoirienne ont annoncé jeudi qu’ils étaient en partance pour Paris, où ils sont attendus vendredi.
« Nous avons été invités par le Premier ministre, Seydou Diarra, pour l’aider à composer le gouvernement de réconciliation dans les plus brefs délais parce que la population est lasse de cette guerre », a déclaré Sidiki Konaté depuis le fief du MPCI à Bouaké, dans le centre de la Côte d’Ivoire.
« IL EST FINI LE TEMPS DE L’IMPUNITE »
Mercredi soir, à l’issue d’un entretien bilatéral à l’Elysée avec Jacques Chirac, le président togolais Gnassingbe Eyadéma avait laissé entendre que les consultations engagées par Seydou Diarra étaient proches d’aboutir.
Dans ces conditions, les autres thèmes du sommet auquel participent 37 présidents africains ont été relégués au deuxième plan.
Jacques Chirac a cependant profité de son intervention pour décréter la « fin de l’impunité » et inviter ses homologues africains à appuyer sur des « principes clairs et reconnus » la riposte aux maux que subit l’Afrique, comme le trafic d’armes, le pillage des ressources ou « les rébellions menées par des aventuriers ».
« D’où qu’elle vienne, la violence doit être dénoncée », a-t-il martelé devant un auditoire dont plusieurs membres sont aux prises avec de graves accusations d’atteintes aux droits de l’homme.
« Leurs auteurs ont désormais à craindre d’être sanctionnés par la Cour pénale internationale », a prévenu Jacques Chirac.
« Il est fini le temps de l’impunité, le temps où l’on justifiait la force », a-t-il voulu croire, prophétisant la venue du « temps où l’on fortifie la justice ».
[source – yahoo.com]