Microsoft recrute ses ennemis…

La Commission européenne a reconnu jeudi avoir accordé à un de ses hauts fonctionnaires qui a planché sur le dossier Microsoft un congé pour convenance personnelle de six mois afin de lui permettre de travailler pour le géant américain de l’informatique

Le porte-parole de l’exécutif européen Jonathan Faull a expliqué que ce fonctionnaire, Detlef Eckert, avait obtenu l’autorisation de travailler à partir de lundi prochain pour Microsoft, qui fait pourtant l’objet d’une enquête de l’UE. Cette enquête, qui doit déterminer si l’entreprise dirigée par Bill Gates a abusé de la position dominante du système d’exploitation Windows, s’achève actuellement.

Pour la Commission, il n’y a aucun risque de conflit d’intérêt, Detlef Eckert, chef d’unité à la direction générale chargée de la société de l’information, s’étant engagé par écrit à ne pas donner d’informations sensibles à Microsoft.

« Nous ne pensons pas qu’il donnera des informations confidentielles à Microsoft », a déclaré le porte-parole chargé de la société de l’information, Per Haugard.

Mais un responsable de la Commission a déclaré sous le couvert de l’anonymat que la nouvelle recrue de Microsoft avait participé à l’enquête sur la firme de Seattle en auditionnant les concurrents qui s’estiment lésés.

« Il a eu des réunions avec des concurrents de Microsoft », a-t-il dit. « Ils lui ont donné des documents confidentiels ».

Il a notamment rencontré dans ce cadre Ed Black, président de l’Association de l’Industrie informatique et des communications, qui a vivement critiqué la stratégie de Microsoft, a-t-on appris de source proche de l’association.

DES CONGES CONTROVERSES

C’est la direction générale de la Concurrence qui est chef de file sur le dossier Microsoft mais les fonctionnaires d’autres directions sont appelées à collaborer à l’enquête.

Une porte-parole de Microsoft a expliqué que Detlef Eckert s’occuperait chez Microsoft des questions de sécurité et de protection des données privées en exposant notamment aux hommes d’affaires la politique de la maison dans ce domaine. « Il ne fera pas partie de notre équipe juridique », a-t-elle dit.

Ce recrutement soulève de nombreuses questions à Bruxelles.

Le cas n’est pas sans rappeler le scandale qui avait entouré en 1999 le recrutement par l’opérateur espagnol Telefonica du commissaire chargé des Télécommunications, Martin Bangeman.

Ce dernier avait négocié son « transfert » avant de devoir quitter ses fonctions lors de la démission collective de la Commission européenne en mars 1999, après la publication d’un rapport de « sages » très critique pour sa gestion.

L’exécutif européen présidé par Romano Prodi, qui avait pris le relais, s’était engagé à rompre avec les pratiques du passé et avait imposé une période de « refroidissement » à ses fonctionnaires qui trouvent de l’embauche dans le privé.

Martin Bangemann n’a d’ailleurs jamais pris ses fonctions chez Telefonica même si le contrat n’a pas été rompu.

La tradition des congés pour convenance personnelle est par ailleurs réexaminée par la Commission après que trois de ses anciens porte-parole eurent fondé une société de consultants, GPlus Europe, qui avait obtenu une part d’un contrat de 23 millions d’euros conclu avec la Commission.

L’exécutif européen avait suspendu le contrat jusqu’à ce que GPlus Europe se retire du marché en novembre dernier.

[source – inpact-hardware.com]