L’Union européenne a resserré les rangs sur le dossier irakien en évoquant pour la première fois l’hypothèse d’un recours à la force contre le régime de Saddam Hussein s’il refuse de désarmer immédiatement.
Les chefs d’Etat et de gouvernement des Quinze, qui se sont déchirés ces dernières semaines entre partisans et adversaires d’une intervention militaire contre l’Irak, sont parvenus lundi à un compromis beaucoup plus aisément et rapidement que prévu.
Le rapport plutôt positif des inspecteurs en désarmement de l’Onu, vendredi dernier, la claire majorité des 15 membres du Conseil de sécurité des Nations unies en faveur de la poursuite des inspections et les millions de personnes qui ont manifesté contre la guerre le week-end dernier ont contribué à ce succès.
« Cette mini-crise européenne a été surmontée », a déclaré Jacques Chirac, non sans critiquer vivement les pays de l’Est candidats à l’adhésion « qui ont manqué une occasion de se taire » en signant des déclarations d’allégeance aux Etats-Unis.
Mais le président français s’est bien gardé de s’en prendre aux cinq Etats membres de l’UE qui ont fait de même – Royaume-Uni, Espagne, Italie, Danemark et Portugal -, ou à la volonté américaine d’en découdre avec Saddam Hussein.
« Nous nous sommes mis d’accord, et c’est très important parce qu’autrement l’UE ne jouerait aucun rôle dans ce processus, » a dit le Premier ministre suédois Goran Persson.
Réunis au lendemain de manifestations monstres contre la guerre dans le monde entier, les Quinze ont adopté en un peu plus de quatre heures de discussion un texte qui constitue un compromis dans lequel on peut lire l’empreinte de chaque pays.
« La guerre n’est pas inévitable, » ont-ils estimé. « La force ne devrait être utilisée qu’en dernier recours. Il appartient au régime irakien de mettre un terme à cette crise en se conformant aux exigences du Conseil de sécurité ».
Pour le Premier ministre britannique Tony Blair, partisan de la manière forte, cette référence est extrêmement importante.
« Quelles que soient les divergences, ces points d’accord envoient un message fort et signifient à l’Irak: ceci est réellement la dernière occasion de désarmer pacifiquement. »
Le chancelier allemand Gerhard Schröder, qui martèle depuis des mois son refus de participer à toute opération militaire, a affirmé qu’il n’avait « pas changé de position » tout en reconnaissant que la menace du recours à la force existait.
« Sur le plan des principes, (…) nous ne l’avons jamais exclu », a-t-il expliqué, tout en soulignant que c’est au Conseil de sécurité de l’Onu d’en décider.
Les Quinze ont averti l’Irak que le régime des inspections ne pouvait « se poursuivre indéfiniment en l’absence d’une coopération totale de la part de l’Irak », tout en ajoutant que les inspecteurs doivent obtenir « le temps et les ressources que le Conseil de sécurité » de l’Onu jugera utile de lui accorder.
« Le régime de Bagdad ne doit pas se faire d’illusions », ont-ils dit tout en supprimant, à la demande de Berlin, la mention « le temps est désormais compté » initialement prévue.
Les Quinze tendent également une perche aux Etats-Unis en soulignant qu’il est « vital que la communauté internationale soit unie » sur ce dossier et reconnaissent que le déploiement militaire américain dans la région avait contribué de manière déterminante au retour des inspecteurs de l’Onu en Irak.
La réunion extraordinaire de Bruxelles a donc vu les Quinze taire leurs divergences pour sauvegarder un semblant d’unité.
C’est que cette crise a, pour eux, des implications qui dépassent largement le cadre de l’Irak.
« La manière dont la situation en Irak sera gérée aura un impact important sur le monde dans les prochaines décennies », poursuit la déclaration d’une page qui rappelle qu’une résolution du conflit israélo-palestinien ne peut qu’améliorer les perspectives de paix globales dans la région.
Les énormes manifestations qui se sont déroulées dans le monde entier contre la guerre ont été prises en compte par les chefs d’Etat et de gouvernement, conscients que les « peuples de l’Europe » veulent trouver une solution pacifique.
« Nous pensons que les citoyens européens attendaient une réponse de ce type de notre part, » a estimé le Premier ministre grec Costas Simitis, satisfait de constater que son sommet promis par les Cassandre à l’échec avait été un succès.
« Nous ne pouvons pas oublier les millions de personnes dans les rues ce week-end », a dit le président de la Commission européenne, Romano Prodi. « Nous nous sommes donc réunis pour lancer un message au monde: l’Europe est unie et sa voix particulière doit être écoutée. »
Les divergences entre Européens risquent de renaître dans quelques semaines comme l’a prouvé lundi le duel à distance entre Jacques Chirac et Tony Blair sur la nécessité d’une seconde résolution.
[source – yahoo.com]