L’Union européenne à la recherche d’un accord sur l’Irak

L’Union européenne s’est attelée lundi à la recherche d’un consensus minimal sur la crise irakienne, faute de pouvoir aplanir toutes les divergences entre partisans et adversaires d’une intervention militaire.

Les ministres des Affaires étrangères des Quinze ont entamé à 11h30 une réunion préparatoire au sommet européen extraordinaire qui doit commencer à 18h00 dans une capitale belge inondée de soleil malgré un froid très vif.

L’adoption d’une position commune ne sera guère aisée, même s’il ne s’agit plus de la mission impossible prévue lors de la convocation de cette réunion, il y a une semaine, quand les tambours de guerre battaient leur plein à Washington et Londres.

Le rapport plutôt positif des inspecteurs en désarmement de l’Onu, vendredi dernier, la claire majorité des 15 membres du Conseil de sécurité des Nations unies en faveur de la poursuite des inspections et les millions de personnes qui ont manifesté contre la guerre ce week-end ont renforcé la main des partisans de la diplomatie, qui sont dans une position plus confortable.

« Ce n’est pas le moment de nous accuser les uns les autres ou de nous congratuler », a déclaré à son arrivée à la réunion le porte-parole de la diplomatie européenne, Javier Solana.

« J’espère vraiment que les dirigeants de l’UE feront leur maximum pour parvenir (…) à une position commune. C’est le meilleur service que nous pouvons rendre à la paix, » a-t-il dit.

Le ministre français des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, s’est simplement déclaré « heureux » d’être en Belgique, un « pays courageux », à son arrivée au Conseil des ministres.

LA « MARQUE D’UN SURSAUT »

Il s’agit là d’une allusion à la bataille menée pendant toute la semaine par Paris, Berlin et Bruxelles à l’Otan, où ces trois pays ont refusé d’entrer dans une « logique de guerre » en envoyant une aide militaire à la Turquie. Un compromis a été trouvé dimanche soir, mais l’aide est encadrée de conditions.

Le chef de la diplomatie française s’était montré optimiste dimanche soir lors de l’émission Le Grand Jury RTL-LCI-Le Monde.

Le sommet extraordinaire de Bruxelles est « la marque d’un sursaut de l’Europe face aux divisions » sur l’Irak, a-t-il dit.

L’objectif de la plupart des pays est de donner du temps aux inspecteurs des Nations unies afin de poursuivre leur mission.

« L’objectif de la France n’est pas de gagner du temps, mais de donner une volonté au temps », a-t-il dit en évoquant la réunion ministérielle sur l’Irak qu’il aimerait voir organisée le 14 mars prochain aux Nations unies.

La Belgique, l’Allemagne, l’Autriche, la Suède, la Grèce, le Luxembourg et la Finlande suivent cette position et certains diplomates estiment même que l’Italie et le Portugal hésitent, tout comme les Pays-Bas, après les manifestations du week-end.

Les partisans d’une solution diplomatique n’ont pas caché qu’ils entendaient tirer parti de cet immense mouvement.

« Je pense que l’opinion publique à travers ces manifestations qui ont regroupé des millions de personnes dans le monde a fait la démonstration qu’elle ne voulait pas de la guerre, » a déclaré le chef de la diplomatie belge, Louis Michel.

Même le secrétaire au Foreign Office, Jack Straw, dont le pays est prêt à participer à une action militaire avec les Etats-Unis, a dû reconnaître que les Européens étaient dans leur grande majorité opposés à une intervention.

LONDRES TOUCHE PAR LES MANIFESTATIONS

« C’est très difficile dans ces circonstances », a-t-il dit à la BBC en estimant qu’il était délicat pour un gouvernement de partir en guerre sans le soutien de son opinion.

Dans ce contexte, les Quinze devraient réaffirmer – éventuellement dans une déclaration commune -, ce qui fait l’objet d’un consensus minimal entre eux, comme les ministres des Affaires étrangères l’avaient déjà fait le 27 janvier.

A l’époque, les Quinze avaient affirmé que l’objectif poursuivi était le désarmement de l’Irak, ce qui peut être accompli par des inspections à condition que les autorités irakiennes coopèrent pleinement, le rôle de l’Onu étant central.

Il reste à savoir si les « faucons » européens – Royaume-Uni, Espagne et Danemark – tenteront d’arracher un appui des Quinze à une intervention armée au cas au terme du répit que les inspecteurs de l’Onu ont obtenu pour poursuivre leur mission.

Même si Londres a adopté un ton un peu moins guerrier, Jack Straw s’est dit « pessimiste » sur les chances de voir l’Irak s’engager dans une véritable coopération, ce qui oblige selon lui les Quinze à envisager le recours à la force.

Un terrain d’entente pourrait toutefois être trouvé sur une formulation qui pourrait satisfaire tout le monde, la réunion des directeurs politiques de l’Union européenne, dimanche soir, s’étant déroulée de manière plutôt consensuelle.

« La France et l’Allemagne ont été très constructives », a déclaré le ministre portugais des Affaires étrangères, Antonio Martins da Cruz, dont le pays est un partisan de ligne dure.

A l’exception notable de l’Allemagne, la plupart des pays, dont la France et la Suède, n’excluent en effet pas une intervention si toutes les autres voies sont épuisées.

« La Suède a toujours soutenu l’idée que l’Onu puisse prendre une décision sur une intervention armée », a déclaré son ministre des Affaires étrangères, Anna Lindh.

« Je crois que tout le monde est d’accord pour dire que la guerre pourrait s’avérer nécessaire, mais nous n’en sommes pas là. Nous devons d’abord épuiser tous les moyens diplomatiques et tous les moyens de prolonger la mission des inspecteurs », a expliqué Javier Solana.

[source – yahoo.com]