Le tribunal de commerce de Créteil (Val-de-Marne) a prononcé lundi la mise en liquidation judiciaire de la compagnie aérienne Air Lib, rejetant les demandes de sursis présentées par la direction et soutenues par le syndicat CFDT.
Conformément aux réquisitions du procureur, à l’issue d’une audience à huis clos de cinq heures et quatre heures de délibéré, les juges n’ont pas jugé souhaitable de prolonger la vie de la société et ont refusé d’attendre d’hypothétiques repreneurs évoqués par la direction.
Seconde compagnie française, créée en 1987, Air Lib va donc voir ses 3.200 salariés licenciés et ses actifs dispersés. Deux mandataires-liquidateurs ont été nommés par le tribunal, Gilles Pellegrini et Pierre Segui. Les pouvoirs publics et les autorités du transport aérien vont redistribuer les créneaux horaires d’Air Lib, très convoités par ses ex-concurrents.
Cette décision était attendue après la défection du dernier candidat déclaré à le reprise, le Néerlandais Imca, suivie le 6 février du retrait par le gouvernement de la licence d’exploitation de la compagnie, ce qui avait cloué au sol les appareils.
Sans dévoiler aucun nom, le P-DG Jean-Charles Corbet, ex-pilote d’Air France qui avait repris la société en août 2001, a affirmé à l’audience que des repreneurs potentiels s’étaient manifestés et il a même avancé qu’une banque européenne était prête à une mise de fonds de 120 millions d’euros. Lundi, il n’a fait aucune déclaration à la presse.
Le syndicat CFDT le soutenait implicitement et demandait au tribunal un nouveau délai de grâce, en attendant le résultat d’autres procédures engagées devant le tribunal administratif de Melun et la Commission européenne, visant à la restitution de l’autorisation d’exploitation de la compagnie.
« Je suis effondré par cette décision », a réagi Gilles Nicoli, délégué CFDT de l’entreprise. « Je pense que le gouvernement nous a bien aidé à en arriver là et je le considère comme responsable. »
Au nom de la CGT, Paul Fourier a jugé qu’il s’agissait d’une « décision politique ». « Quand le Titanic coule, il faut sauver l’essentiel. Nous essaierons d’avoir le meilleur plan social possible », a-t-il ajouté.
Les syndicats ont appelé les salariés à une assemblée générale mardi matin au siège d’Air Lib.
La société s’est déclarée en cessation de paiement la semaine dernière.
Le gouvernement, après avoir retiré la licence d’exploitation, a clairement laissé comprendre qu’il ne croyait pas à la poursuite de l’activité et a commencé à organiser la semaine dernière le reclassement des salariés, en sollicitant Air France et la SNCF notamment.
Environ 200 salariés d’Air Lib sont venus manifester, la plupart en uniforme, devant le tribunal de Créteil mais beaucoup avouaient qu’ils n’y croyaient plus. Nombre d’entre eux ont fondu en larmes à l’annonce du jugement, rendu à huis clos dans un tribunal entouré de policiers.
POLEMIQUE SUR DES FONDS A L’ETRANGER
« Il est temps que ça se termine. Jean-Charles Corbet et la CFDT, qui l’a soutenu à bout de bras, portent une lourde responsabilité (…) Dans toutes les manifestations, il y a eu des slogans contre le gouvernement mais jamais contre Jean-Charles Corbet et donc je n’y ai pas participé », a dit à Reuters Jérôme Grosmann, co-pilote.
Cette ultime audience s’est déroulée sur fond de polémique, les syndicats annonçant qu’ils avaient demandé des explications à la direction sur le placement par la direction de fonds dans des filiales étrangères du groupe.
La CGT a mis en cause la conduite des affaires par Jean-Charles Corbet et a implicitement accusé l’ex-P-DG de se préparer à mettre la main sur des fonds placés à l’étranger en 2001.
« La CGT demande que l’ensemble de l’argent versé par Swissair en 2001 (…) soit rapatrié à un moment ou à un autre, parce qu’on considère qu’il serait quand même assez aberrant que la débâcle d’Air Lib puisse servir à une opération financière pour que Jean-Charles Corbet puisse s’en sortir mieux que les autres », a dit à la presse Paul Fourier (CGT).
Lors de l’opération de reprise par Jean-Charles Corbet en 2001, l’ancien actionnaire Swissair a en effet versé 152 millions d’euros. Selon une analyse transmise au comité d’entreprise, 14 millions d’euros ont été versés sur ces fonds à la filiale Holco Luxembourg et cinq millions d’euros à la filiale néerlandaise Mermoz.
« Nous demandons pourquoi cet argent a été mis dans les filiales, pourquoi il y est encore et à quel moment il va être rapatrié », a ajouté Paul Fourier. La direction explique que l’argent d’Holco Luxembourg était destiné aux révisions des appareils, tandis que celui de Mermoz visait selon elle à financer une refonte du système de réservation de billets par Internet.
La CGT a aussi fait remarquer que sur les fonds versés par Swissair, quelque 2,630 millions d’euros ont été affectés en sept mois aux « frais de personnel » d’Holco, holding française qui regroupait les membres de la direction et 4,163 millions d’euros ont été dépensés en frais d’avocat.
[source – yahoo.com]