Amazon brevète les bons d’achat virtuels

Le géant américain du commerce électronique a obtenu de l’OEB, un brevet sur la possibilité d’envoyer par e-mail, un bon d’achat virtuel. C’est la découverte, faite presque par hasard, par une ONG opposée à la brevetabilité des logiciels.

Une ONG opposée à la brevetabilité des logiciels dénonce la validation, par l’Office européen des brevets (OEB), d’un « brevet couvrant toute méthode informatique permettant la livraison automatique de présents à une tierce personne ». La société Amazon, à l’origine de ce brevet et de nombreux autres de ce type, s’était déjà illustrée, il y a quelques années, en prétendant avoir breveté le fait d’effectuer un achat sur internet en « un clic ».

La Foundation for a Free Information Infrastructure (FFII), basée à Munich en Allemagne, coordonne la campagne de protestation contre la brevetabilité des logiciels. C’est à l’occasion d’une « recherche de routine » qu’elle a découvert que l’OEB avait accordé en mai dernier au libraire américain en ligne Amazon un brevet sur la possibilité, pour une société de commerce électronique, d’envoyer par e-mail, un bon d’achat virtuel à l’un de ses prospects.

En 1999, Amazon avait déjà breveté la possibilité d’effectuer « un achat en un clic » de souris (One-Click Shopping, en anglais). Le libraire avait même porté plainte contre son concurrent Barnes & Nobles, accusé de violer son brevet parce qu’il permettait lui aussi à ses clients de commander un produit d’un seul clic de souris.

Une campagne mondiale de boycott d’Amazon avait alors contribué à faire connaître à l’opinion publique les dérives et dangers de la brevetabilité des méthodes commerciales et des logiciels informatiques. Autorisée dans certains cas aux Etats-Unis, cette brevetabilité pourrait être introduite d’ici peu en Europe par la proposition de directive européenne sur les brevets logiciels, qui doit être examinée début septembre en séance plénière du Parlement européen.

Amazon fait feu de tout bois

Dans son communiqué de presse, la FFII indique qu’ « en 2001, la demande de brevet originale d’Amazon avait été retirée pour être remplacée par deux nouvelles demandes, dont une a été accordée et l’autre est toujours en cours d’étude » .

Président de la FFII, Hartmut Pilch rappelle qu’un brevet ne devrait pas être accepté dès lors qu’il « ne fait aucune contribution d’ordre technique dans son approche inventive » . Or, l’OEB a validé la brevetabilité des bons d’achat virtuels.

La FFII dénonce cette dérive de l’OEB, qui « a défini ses propres règles pour accorder systématiquement des milliers de brevets de type américain sur les algorithmes et sur les méthodes d’affaires (dites ‘business methods’) ». L’ONG avance également que «la proposition de directive (…) imposerait précisément ces règles aux cours de justice nationales d’Europe ».

Une recherche sur les brevets déposés par Amazon indique que la société a déposé, cette année, d’autres demandes de brevets de ce type. On y trouve ainsi un système permettant d’effectuer des discussions en ligne sur un sujet donné (« Method and system for conducting a discussion relating to an item »), un autre sur la possibilité d’affiner des requêtes effectuées sur des moteurs de recherche (« Search query autocompletion »), ou encore une méthode permettant d’effectuer des rabais sur une enchère (« Method and system for providing a discount at an auction »).

Contactés par Transfert, les représentants français de la société n’ont pas été en mesure de répondre à nos questions. A l’époque de la polémique portant sur le brevet « One Click », Jeff Bezos, fondateur d’Amazon, avait répliqué par une lettre ouverte rejetant d’emblée l’idée d’abandonner ses brevets. Il proposait alors de réformer le système américain de sorte qu’il entérine la brevetabilité des logiciels et des méthodes commerciales, d’en réduire la portée pour qu’ils ne durent que 3 ou 5 ans, et non 17 années, que cette durée de vie limitée soit rétroactive et que l’obtention d’un brevet soit sujette à des audiences publiques de sorte que sa pertinence puisse être discutée.

[source – ZDNet.fr] Jean-Marc Manach