Les forces américano-kurdes ont pénétré dans la nuit de jeudi à vendredi dans Mossoul, la dernière grande cité irakienne du Nord encore contrôlée par les forces irakiennes, après avoir conquis Kirkouk, tandis que pillages et combats se sont poursuivis jeudi à Bagdad où un soldat américain a été tué dans un attentat suicide.
L’arrivée de combattants kurdes dans les deux plus importantes villes pétrolières du nord de l’Irak, Kirkouk et Mossoul, a ravivé l’inquiétude de la Turquie dont le chef de la diplomatie Abdullah Gul a prévenu qu’Ankara n’autoriserait pas les réfugiés kurdes à changer la composition démographique des deux villes, sur lesquelles la Turquie estime avoir un droit de regard historique.
Voir l’animation
Après avoir investi sans combats Kirkouk, les forces américaines et kurdes ont également commencé à entrer à Mossoul, plus au nord, alors que les troupes irakiennes chargées de défendre ces deux cités prenaient la fuite ou, parfois, déposaient les armes, a précisé le chef du Pentagone Donald Rumsfeld.
Un responsable du Parti démocratique du Kurdistan (PDK) a confirmé vendredi que la prise de Mossoul était « en cours ».
« Cela a commencé il y a quelques heures. Je ne crois pas que la ville soit déjà tombée », a-t-il ajouté sous couvert de l’anonymat.
Au lendemain de l’entrée spectaculaire des troupes américaines et de la chute, devant les caméras du monde entier, de la capitale irakienne, un militaire américain a été tué jeudi soir lors d’un attentat suicide dans le centre de Bagdad, où des combats sporadiques se sont poursuivis toute la journée.
Au moins cinq ministères et un marché étaient en feu dans la soirée à Bagdad livrée aux pillards, qui se sont même attaqués à des hôpitaux sans provoquer la moindre réaction de la part des forces américaines. Les soldats ont dit ne pas avoir reçu l’ordre d’intervenir.
Dans le centre, des hélicoptères de combats américains ont été engagés dans des affrontements opposant des groupes de Fedayine de Saddam à des unités américaines, selon une journaliste de l’AFP.
Un photographe de l’AFP a vu une vingtaine de cadavres irakiens jonchant des trottoirs ou coincés dans des voitures calcinées dans le sud de la capitale.
Près d’une mosquée dans le nord de Bagdad, cinq civils ont été tués et six blessés dans des combats, selon des témoins. Un officier américain avait annoncé plus tôt qu’un Marine avait été tué et 20 blessés dans des affrontements.
Bagdad demeure « un endroit dangereux », a déclaré le général de l’armée de l’Air Victor Renuart, selon lequel les forces américano-britanniques « couvrent désormais 50 à 60% du territoire irakien ».
En apprenant que des milliers de Kurdes affluaient jeudi après-midi vers Kirkouk pour y récupérer leurs biens confisqués par Saddam Hussein au nom de sa politique d’arabisation, la Turquie avait vivement réagi, qualifiant « d’inacceptable » un contrôle « permanent » de la ville par les forces kurdes.
Washington a alors immédiatement dépêché dans la ville l’équivalent d’un bataillon (quelque 500 hommes) de sa 173ème brigade aéroportée.
Se voulant rassurant, le porte-parole de la Maison Blanche, Ari Fleischer, a confirmé que « les forces américaines contrôleront Kirkouk ».
L’Union patriotique du Kurdistan (UPK) a annoncé à Ankara qu’elle retirerait dans la journée de vendredi ses quelque 10.000 combattants entrés dans cette ville.
A Bagdad, la villa du fils aîné du président Saddam Hussein, Oudaï, celles de sa fille Hala, et de son demi-frère Watban, ont aussi été mises à sac, avec d’autres, sous les yeux des soldats américains. L’ambassade d’Allemagne et le centre culturel français ont subi le même sort.
A Berlin, le ministre allemand des Affaires étrangères Joschka Fischer a appelé les forces de la coalition à protéger les représentations diplomatiques de Bagdad.
De leur côté, les Etats-Unis ont renouvelé leurs demandes de fermeture des missions diplomatiques irakiennes à travers le monde, de saisie de leurs avoirs et d’expulsion des diplomates de haut rang.
Dans le sud du pays, l’exaspération se développait parmi les habitants de Bassorah, la seconde ville d’Irak, face à l’anarchie régnant également dans leur ville en l’absence de toute autorité locale et de police, et l’apparente impassibilité des troupes britanniques.
Dans le sud de l’Irak, Abdel Majid al-Khoï, un chef chiite modéré mais contesté au sein de sa communauté, a été assassiné jeudi à Najaf. Les Etats-Unis ont « condamné fermement » cet assassinat qualifié par le ministre britannique des Affaires étrangères Jack Straw « d’effroyable tragédie ».
« Le régime de Saddam Hussein est en train d’être chassé du pouvoir », a assuré le président George W. Bush dans une allocution télévisée spécialement adressée aux Irakiens, que les habitants de Bagdad, privés d’électricité et de télévision, n’ont pas pu suivre. « Le cauchemar que Saddam Hussein a fait subir à votre pays est bientôt terminé », a affirmé M. Bush.
Les forces de la coalition « sont des amis et des libérateurs du peuple irakien, pas vos envahisseurs, elles ne resteront pas un jour de plus que nécessaire », a déclaré de son côté Tony Blair, qui s’exprimait lui aussi dans cette émission. L’argent du pétrole irakien « sera le vôtre, servira à votre prospérité et à celle de vos familles », a-t-il ajouté.
Alors que le sort de Saddam Hussein restait toujours inconnu, les ministres russe et allemand des Affaires étrangères, Igor Ivanov et Joschka Fischer, ont réaffirmé leur souhait de voir les Nations Unies assumer un rôle central dans la gestion de l’après-guerre en Irak.
La Syrie, accusée de servir de refuge à des dignitaires irakiens, a assuré qu’elle avait fermé sa frontière avec l’Irak, a indiqué jeudi soir Washington.
Enfin, les cours du pétrole ont dégringolé sur le marché à terme de New York, en raison des perspectives de surabondance de l’offre alors que la demande devrait être limitée par la faiblesse de l’économie mondiale.
[source – yahoo.com]