Lorsqu’elle aura disparu mercredi comme un petit point lumineux dans le ciel nocturne au-dessus de Kourou, la dernière fusée Ariane-4 ne manquera pas de provoquer un pincement au coeur de toute l’assistance au Centre spatial de Kourou.
Avec ce vol, programmé avant la levée du jour en Guyane (à partir de 04h00, soit 08h00 heure de Paris), la fusée européenne Ariane-4 fera ses adieux au terme d’une carrière exemplaire de près de quinze ans. Des adieux qui se feront dans une atmosphère de morosité et d’interrogations sur l’avenir de tout le secteur spatial européen, alors que les Américains sont de leur côté encore sous le choc de la perte de la navette Columbia.
Au moment du lancement de cette 116-ème Ariane-4, sa soeur cadette Ariane-5, qui doit prendre le relais, reste clouée au sol après l’échec en décembre d’une version censée améliorer le nouveau lanceur lourd. Cette fusée, Ariane-5-ECA, a dû être détruite suite à des problèmes sur la tuyère du nouveau moteur de son premier étage, qui ont rendu le lanceur incontrôlable.
A la mi-janvier, alors qu’on pensait que cet incident concernait uniquement la fusée modifiée, une commission formée en principe pour donner le feu vert au tir d’une Ariane-5 de base (dite Générique) avec la sonde Rosetta en direction de la comète Wirtanen, a exprimé ses doutes « sur les procédures de qualification » de l’ensemble des Ariane-5.
Les responsables d’Arianespace laissent entendre qu’une « Générique » pourrait revoler avant la fin février. « Nous pourrons pratiquement respecter nos prévisions et tirer cette année huit satellites », assure le directeur général de la société, Jean-Yves Le Gall, tout en admettant qu’aucune Ariane-5-ECA n’est à attendre à Kourou avant la fin de l’année.
Tout cela n’est finalement qu’une suite logique des événements qui ont jalonné l’histoire de toute la famille Ariane-5. La fusée du vol inaugural a explosé, en juin 1996, moins d’une minute après son décollage, suite essentiellement à une erreur de conception informatique. Deux autres tirs expérimentaux précéderont le premier lancement commercial, en décembre 1999. Puis, en juillet 2001, la fusée s’éteint prématurément et met ses deux passagers sur une orbite insuffisante.
Avec les deux « victimes » de décembre, les Ariane-5 sont responsables, en quatorze vols commerciaux ou non, de la perte de sept satellites sur 26 charges utiles embarquées, contre cinq détruits lors des trois échecs subis au début de l’exploitation des Ariane-4, sur plus de 160 satellites lancés. Depuis huit ans, Ariane-4 a brillamment réussi 73 vols consécutifs.
Mais cette fusée ne suit plus l’évolution du marché des satellites et, dans un avenir proche, elle ne saurait plus profiter de son atout principal : la capacité d’emporter simultanément deux satellites géostationnaires.
Ariane-4 peut embarquer une charge utile maximale de 4,8 tonnes, alors que la majorité des satellites de demain pèseront au moins 4 tonnes chacun. Ce qui, en lancement double, dépasse même les forces d’une Ariane-5 G (5,9 tonnes), d’où le projet d’Ariane « dix tonnes » décidé avant même qu’Ariane-5 de base n’ait entamé ses lancements commerciaux.
Jusqu’à présent, malgré les maladies de jeunesse d’Ariane-5, Arianespace pouvait sauver la face grâce aux dernières Ariane-4, les clients ne commandant pas un lanceur mais un service de lancement.
Désormais, son avenir dépend d’Ariane-5. Avec elle, c’est toute l’industrie spatiale européenne qui est condamnée à réussir ou à perdre sa place de leader sur un marché de plus en plus concurentiel.
[source – yahoo.com]