Accord sur un gouvernement de réconciliation en Côte d’Ivoire

La table ronde ivoirienne de Linas-Marcoussis a débouché dans la nuit de jeudi à vendredi sur un accord prévoyant la mise en place d’un « gouvernement de réconciliation nationale » regroupant les principales forces politiques et les trois mouvements rebelles du pays.

Ce texte, finalisé au terme d’une séance marathon qui ne s’est achevée que vers 2h30 au Centre national du rugby (CNR), doit être approuvé ce week-end à Paris par la conférence des chefs d’Etat d’Afrique de l’Ouest.

Il ouvre la voie à un règlement politique de la guerre civile qui, depuis le coup d’Etat manqué du 19 septembre dernier, a fait plusieurs centaines de morts et paralysé le « poumon économique » de l’Afrique de l’Ouest.

Cet accord maintient Laurent Gbagbo à la présidence de la Côte d’Ivoire. Mais le chef de l’Etat, élu en octobre 2000, devra composer avec un « Premier ministre de consensus » à la tête d’un gouvernement qui, précise le texte dont Reuters s’est procuré une copie, « disposera, pour l’accomplissement de sa mission, des prérogatives de l’exécutif ».

La rébellion, qui était arrivée à Paris en réclamant la démission de Laurent Gbagbo, n’a pas obtenu gain de cause sur ce point précis mais estime que l’accord de Linas-Marcoussis va « dans le sens de la reconstruction et de la réconciliation ».

« Il est clair que pour nous, concevoir la nouvelle Côte d’Ivoire avec M. Gbagbo est vraiment difficile, mais nous pensons qu’il faut trouver un équilibre », a déclaré à Reuters Konaté Siriki, porte-parole du Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI).

« Ce que nous n’avons pas eu d’un côté, nous l’avons obtenu de l’autre avec un gouvernement fort qui a en mains toutes les clefs de la résolution de la crise et avec l’implication de la Côte d’Ivoire », a ajouté le représentant du plus important mouvement rebelle, qui contrôle le nord de la Côte d’Ivoire.

GBAGBO A L’ELYSEE

« C’est un accord de compromis entre les revendications des différents partis qui ont participé à cette table ronde », a commenté pour sa part l’actuel chef du gouvernement, Pascal Affi Nguessan, qui dirigeait la délégation du Front populaire ivoirien (FPI), le parti de Laurent Gbagbo.

Le Premier ministre ivoirien, joint par téléphone, a indiqué que les négociateurs n’avaient pas établi de « listes de premier ministrables » et qu’il n’était pas en mesure de dire quand Laurent Gbagbo procéderait à cette nomination. « C’est à lui qu’il faut poser la question », a-t-il dit.

Mais on indiquait en début de soirée de source proche de l’opposition ivoirienne que « le nom du futur Premier ministre ne sortirait pas forcément de Marcoussis mais peut-être de France d’ici dimanche soir ».

L’accord de Linas-Marcoussis, signé par les chefs des dix délégations ivoiriennes ainsi que par Pierre Mazeaud, qui présidait ces discussions, précise que le futur gouvernement ivoirien « sera composé de représentants désignés par chacune des délégations ivoiriennes ayant participé à la table ronde ».

Ce gouvernement aura notamment pour tâche de « préparer les échéances électorales aux fins d’avoir des élections crédibles et transparentes et en fixera les dates.


Il restera en place jusqu’à la prochaine élection présidentielle « à laquelle le Premier ministre ne pourra se présenter » – ce qui rend plus qu’improbable un retour à la tête du gouvernement d’Alassane Ouattara. L’ancien Premier ministre et figure emblématique de l’opposition ivoirienne, interdit d’élection en 2000 du fait de sa « nationalité douteuse », ne fait pas mystère de ses ambitions présidentielles.

De même, l’ancien président Henri Konan Bédié, renversé par un coup d’Etat militaire en décembre 1999 et lui aussi interdit de candidature à la dernière présidentielle, a clairement indiqué au début des négociations qu’il n’était nullement intéressé par un poste de Premier ministre.

L’accord a été signé par les dix délégations participant depuis le 15 janvier à la table ronde ivoirienne sous l’égide de la France ainsi que par l’ancien ministre français Pierre Mazeaud, membre du Conseil constitutionnel, qui présidait les discussions.

Pierre Mazeaud le présentera dans la matinée au président Jacques Chirac, qui recevra ensuite dans l’après-midi Laurent Gbagbo, arrivé jeudi en fin d’après-midi à Paris.

ABIDJAN DEMANDE L’ACTIVATION DE L’ACCORD DE DEFENSE

Mais le neuvième et dernier jour de la table ronde de Linas-Marcoussis a aussi coïncidé avec une nette détérioration de la situation en Côte d’Ivoire, soulignant les difficultés à venir.

Le ministre ivoirien de la Défense, Kadet Bertin, a demandé l’activation de l’accord de défense qui lie la Côte d’Ivoire à la France pour faire face à ce qu’Adbijan présente comme une agression du Liberia – en dépit des démentis de Monrovia.

« Il faut qu’on active les accords de défense, il faut que la France envoie des militaires ici pour chasser ces gens-là », a-t-il déclaré jeudi soir sur RFI.

La France et la Côte d’Ivoire sont liées depuis 1961 par un accord de défense qui peut conduire la France à intervenir en cas d' »agression extérieure caractérisée » contre son ancienne colonie d’Afrique de l’Ouest.

[source – yahoo.com]