La Commission des droits de l’homme (CDH) de l’ONU désigne lundi les membres de son Bureau qui devrait être présidé cette année par la Libye selon les voeux du groupe africain, un choix très critiqué par les Etats-Unis et par les organisations de défense des droits de l’homme.
Le président du Bureau de la CDH est notamment chargé de diriger les travaux de la session annuelle unique de la Commission qui se tient au printemps à Genève –cette année du 17 mars au 25 avril–, afin d’examiner l’état des droits de l’homme dans le monde. Les 53 Etats membres de la CDH sont répartis en cinq groupes géographiques qui assurent, à tour de rôle, chaque année, la présidence de la CDH.
Les Etats-Unis ont annoncé qu’ils tenteraient d’empêcher l’accession de la Libye à la présidence, qui, selon eux, ne peut que nuire à la réputation de l’organe des Nations unies. Washington accuse la Libye de nombreuses violations des droits de l’homme et d’avoir soutenu l’attentat terroriste, de décembre 1988, contre un Boeing de la PanAm au-dessus du village écossais de Lockerbie, qui avait provoqué la mort de 270 personnes. Richard Boucher, porte-parole du département d’Etat, a annoncé lundi dernier que son pays demanderait qu’il soit procédé à un vote le 20 janvier, contrairement à la tradition de désignation du président par acclamation jamais remise en cause jusqu’ici.
Le choix de la Libye qui occupait déjà le poste de vice-président en 2001, mécontente également les ONG. La Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) « s’inquiète de ce que la prochaine présidence échoie à un pays auteur de graves violations des droits de l’homme ». Comme d’autres ONG, elle déplore l’absence de critères de sélection pour être membre de la Commission, « et, qui plus est, (pour accèder) à des postes de responsabilité ». Elle appelle la Libye à prendre « des engagements fermes en matière de droits de l’homme », notamment en invitant de façon permanente les rapporteurs de la CDH qui enquêtent sur les abus et en ouvrant ses frontières aux ONG indépendantes et à la presse.
Sur les 53 membres de la CDH, deux douzaines ne devraient pas y siéger, estime de son côté le directeur exécutif de Human Right Watch (HRW), Kenneth Roth, ajoutant qu’ils n’y sont que pour saboter ses travaux. La perspective de la présidence libyenne « en est une nouvelle illustration », selon lui. La Libye avait récusé en août dernier les critiques de HRW en matière de violations de droits de l’homme, estimant que son rapport était le résultat d' »informations erronées ». De même, Tripoli avait rejeté une première prise de position américaine contre sa candidature à la CDH, y voyant une « déclaration hostile destinée à empêcher l’Union africaine de devenir une réalité ».
Malgré l’opposition des Etats-Unis, la désignation de Mme Najat Al-Hajjaji, ambassadeur de Libye auprès des Nations unies à Genève, pour présider la 59ème session, ne fait guère de doute.
Les diplomates américains ont été invités à rechercher activement des soutiens auprès des 52 autres membres de la CDH, mais l’Union européenne s’orienterait, selon une source diplomatique, vers une abstention en cas de vote. Les pays africains peuvent aussi demander une motion de non-action, c’est-à-dire une procédure visant à empêcher l’organisation de ce vote, qui, en l’état actuel du rapport de forces à la CDH, pourrait être adoptée et laisser le champ libre à la Libye.
L’an dernier, lors de la 58ème session, Amnesty International, la FIDH et HRW avaient vivement critiqué la coalition de plusieurs pays africains et asiatiques, volant au secours de pays menacés par une condamnation et qui, de fait, y échappèrent. La FIDH avait dénoncé dans cette session « un chèque en blanc aux oppresseurs », désignant notamment l’Iran, la Russie en Tchétchénie, le Zimbabwe et la Guinée équatoriale.
Selon la Fédération, les Etats africains s’y étaient distingués « par des positions auto-protectrices au nom d’une solidarité régionale à visées exclusivement politiques ».
[source – yahoo.com]