L’exil de Saddam Hussein, une alternative à la guerre

Les secrétaires d’Etat et à la défense du président George W. Bush ont fait valoir dimanche qu’un exil du président irakien, Saddam Hussein, permettrait d’éviter une guerre contre l’Irak. Le chef du Pentagone est allé jusqu’à exclure des poursuites judiciaires à l’encontre de l’homme fort de Bagdad dans l’hypothèse d’un départ. « S’il partait, lui et sa famille, nous aurions un nouveau régime », a souligné sur la chaîne de télévision CBS Colin Powell.

S’il y a des discussions en cours avec des pays arabes, comme le rapportent plusieurs médias dans le monde, « j’encouragerais Saddam Hussein à écouter attentivement », a ajouté le secrétaire d’Etat.

« La communauté internationale ferait face à une situation entièrement nouvelle et nous pourrions peut-être éviter la guerre », a-t-il dit.

« Pour éviter une guerre, je recommanderais personnellement des mesures afin que les dirigeants (irakiens) et leurs familles bénéficient d’un exil dans un autre pays », a déclaré pour sa part le secrétaire à la défense Donald Rumsfeld sur ABC, évoquant l’abandon d’éventuelles poursuites pour crimes de guerre. « Je pense que ce serait un arrangement juste pour éviter une guerre », a-t-il ajouté. Il répondait à la question de savoir si les Etats-Unis soutenaient les initiatives de pays arabes pour convaincre le président irakien de quitter le pouvoir de manière volontaire.

Lors d’un autre entretien, sur la chaîne FoxNews, Donald Rumsfeld a vivement espéré un départ de Saddam Hussein. « L’espoir » de George W. Bush « est que Saddam Hussein pourra être désarmé par des moyens pacifiques, qu’il quittera le pays », a déclaré Donald Rumsfeld.

Selon lui, un tel exil est possible. « Je pense qu’il y a au moins une possibilité. Les Etats voisins sont actuellement en train d’essayer d’éviter un conflit là-bas en le faisant partir du pays. Ce serait une bonne chose pour le monde s’il partait », a ajouté Donald Rumsfeld.

Interrogé sur des informations concernant un soutien de l’Arabie saoudite à un éventuel coup d’Etat à Bagdad qui ferait partir Saddam Hussein, il s’est félicité des « nombreuses bonnes » initiatives dans des pays voisins de l’Irak. « La guerre est notre dernier choix, pas notre premier » et les Etats-Unis « encouragent ce genre de choses créant la possibilité que le régime s’effondre et disparaisse », a-t-il dit. Time magazine a rapporté jeudi que l’Egypte, la Turquie et l’Arabie saoudite travaillaient activement sur la possibilité d’un retrait du pouvoir des dirigeants actuels irakiens doublé d’une amnistie.

Dans un entretien au New York Times, le premier ministre turc, Abdullah Gul, a confirmé que le sujet avait été abordé et dimanche un responsable saoudien a indiqué que Ryad approuvait l’offre d’un sommet régional proposé par la Turquie pour trouver une solution pacifique à la crise. Abdullah Gul a aussi invité l’Egypte, la Jordanie, la Syrie et l’Iran, mais jusqu’à présent seul le Caire a répondu par l’affirmative tandis que Téhéran apportait son soutien à une telle rencontre.

Au cours des dernières semaines, les responsables américains ont souligné qu’ils ne s’opposeraient pas aux efforts pour faire partir en exil M. Hussein, tout en affirmant que Washington n’était pas le fer de lance d’une telle initiative. L’Irak a catégoriquement rejeté jusqu’à présent toute idée d’exil de Saddam Hussein.

UN GOUVERNEMENT IRAKIEN À TROUVER

Dans l’optique d’un changement de régime à Bagdad doit se tenir une réunion du comité de l’opposition irakienne, préfigurant un futur gouvernement. Cette table ronde se fait cependant attendre et les désaccords entre participants ainsi que les politiques américaine ou turque paraissent autant en cause que la difficulté d’obtenir des visas pour le Kurdistan, où devait avoir lieu la réunion, comme prévu lors de la conférence de Londres, en décembre 2002.

Le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) et l’Union patriotique du Kurdistan (UPK), qui se partagent le contrôle du territoire kurde d’Irak, au nord du pays, n’osent plus guère envisager de date, même si Gawhar Namiq Salim, le secrétaire du bureau politique du PDK, disait samedi que la conférence aurait lieu « dans les deux prochaines semaines ».

Selon des sources proches de l’opposition, les Etats-Unis, que la Turquie rechigne à satisfaire en se prêtant à une guerre contre l’Irak, ne seraient pas étrangers aux atermoiements de l’opposition irakienne. Les Américains, sous les auspices desquels avait été conclu l’accord de Londres, n’arriveraient pas à s’entendre sur le rôle dévolu à l’opposition irakienne notamment. Gawhar Namiq Salim a cependant reconnu des divergences au sein de l’opposition elle-même, avouant que des « consultations (étaient) encore nécessaires ».

Il a par ailleurs réfuté des informations selon lesquelles l’incapacité américaine à garantir la sécurité de la réunion contre une éventuelle attaque de Saddam Hussein serait à l’origine de son report. Pourtant, selon une source militaire kurde, la réunion ne pourra avoir lieu aussi longtemps que de telles assurances n’auront pas été fournies. Selon la même source, les garanties qu’apporterait Washington pourraient aussi signifier sa décision de faire tenir un rôle éminent à l’opposition et entraîner la participation de celle-ci aux opérations militaires contre Saddam Hussein.

UNE GUERRE PAS « INÉVITABLE »

Hans Blix, chef des inspecteurs en désarmement des Nations unies, et Mohamed El Baradei, chef de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), sont arrivés dimanche à Bagdad pour exiger davantage de coopération de la part des autorités irakiennes, afin d’éviter une guerre qu’ils ne jugent toutefois pas « inévitable ». « Nous avons des rencontres constructives », a déclaré M. El Baradei. « Nous faisons des progrès », a-t-il ajouté sans plus de précision.

Avant de remettre le 27 janvier au Conseil de sécurité des Nations unies un rapport d’activité sur la manière dont les Irakiens coopèrent avec leurs équipes, les deux responsables des inspections ont souligné qu’une coopération plus active pouvait permettre à l’Irak d’éviter une intervention militaire des Etats-Unis.

« Nous ne pensons pas que la guerre soit inévitable. Nous pensons que le processus d’inspection que nous menons en est l’alternative pacifique et celui-ci requiert une coopération très active de la part de l’Irak », a déclaré M. Blix à son arrivée à Bagdad. « Les inspections ne sont pas un prélude à la guerre, elles sont une solution alternative à la guerre et c’est ce à quoi nous voulons parvenir (…) Nous allons discuter avec nos collègues irakiens d’une amélioration de ce processus », a-t-il ajouté.

Melissa Fleming, porte-parole de M. El Baradei, a relayé ce message : « Ce que nous cherchons, c’est la preuve qu’ils ont détruit les armes, la preuve qu’ils n’en ont pas fabriqué. Nous disons que l’Irak doit lui-même faire l’effort de prouver cela, et pas seulement ouvrir les portes. »

Avant de s’envoler pour l’Irak, Hans Blix avait jugé inquiétante la découverte au domicile d’un scientifique irakien à Bagdad de quelque 3 000 pages de documents apparemment liés à un programme d’enrichissement d’uranium à des fins militaires. « Les documents ne sont pas des armes de destruction massive. Les ogives n’en sont pas. Mais ils donnent à penser que tout n’a pas été déclaré et cela est inquiétant », a exprimé M. Blix.

Le chercheur irakien, Faleh Hassan, a de son côté déclaré aux journalistes que ces documents ne contenaient aucune information qui n’ait été divulguée par Bagdad. Il a accusé à la même occasion les inspecteurs de l’ONU de s’être comportés « comme des mafieux » en invoquant la santé défaillante de son épouse pour tenter de le convaincre de quitter l’Irak. « Cela n’a aucune valeur », a-t-il affirmé a propos des documents.

[source – lemonde.fr]