Indonésie : un conflit de 26 ans prend fin à Genève

Un des plus longs et des plus sanglants conflits d’Asie du Sud-Est, celui d’Aceh, dans le nord-ouest de l’Indonésie, devrait prendre fin ce lundi, avec la signature d’un accord de paix entre rebelles et gouvernement.

Les séparatistes du Mouvement Aceh libre (GAM) et le gouvernement de Jakarta doivent parapher cet accord, à Genève, après 26 ans d’un conflit qui a fait plus de 10.000 morts, en majorité des civils. Au moins 1.2000 personnes sont mortes depuis le début de l’année dans cette province du nord de l’île de Sumatra, riche en hydrocarbures, un bastion musulman. Depuis deux ans, les deux camps négociaient pour parvenir à un cessez-le-feu et à une ébauche de règlement politique, sans succès. Pratiquement chaque jour, des accrochages armés étaient signalés, et des cadavres étaient retrouvés dans la jungle ou les rivières, sommairement exécutés et portant souvent des marques de tortures.

Cette fois, les médiateurs internationaux du Centre Henry Dunant, une organisation humanitaire basée en Suisse, se montrent optimistes. « Il reste quelques détails à régler, mais ce ne devrait pas être un problème », a expliqué un porte-parole du Centre Henry Dunant, Bill Dowell. Une percée majeure a en fait été réalisée en mai, lorsque les deux parties ont accepté le principe d’élections provinciales en 2004.

Le GAM a formellement accepté le staut d’autonomie spéciale octroyée à la province, déjà en vigueur depuis janvier, comme point de départ. Ce statut prévoit une meilleure répartition des ressources entre la province et Jakarta et l’instauration de la la charia (loi islamique). Les séparatistes ont cependant souligné qu’ils n’avaient pas abandonné leur revendication d’un Etat indépendant, ce que le gouvernement de Jakarta a toujours refusé de discuter au nom du maintien de l’unité de l’immense archipel de 212 millions d’habitants.

Le gouvernement a fait de son côté une concession de taille en autorisant la présence d’observateurs internationaux pour surveiller l’application du cessez-le-feu, aux cotés de représentants du GAM et des autorités. Un des points à régler reste celui du sort des armes de la rébellion, forte de quelques milliers de combattants, inquiète à l’idée de se retrouver sans défense face à plus de 30.000 membres des forces de sécurité. « Nous voulons garder nos armes, mais nous promettons que nous ne les utiliserons pas », a expliqué un des négociateurs du GAM.


Le conflit avait commencé en 1976, avec la création par Hasan di Tiro –qui vit aujourd’hui en exil en Suède– d’un petit mouvement de résistance, le GAM. Le conflit avait gagné de l’ampleur, et le général Suharto avait décrété la province Zone d’opérations militaires spéciales (DOM) de 1989 à 1998. Les exactions et les violations des droits de l’Homme par l’armée s’étaient alors multipliées, nourrissant le sentiment indépendantiste dans la province de quatre millions d’habitants.

Le ressentiment a aussi été alimenté par la main-mise de Jakarta sur les ressources naturelles, l’absence de respect des traditions culturelles et l’arrivée dans la province de migrants venus de l’île de Java. Première région islamisée d’Indonésie, Aceh s’était constitué en un influent sultanat qui avait connu la prospérité au 17ème siècle, et les Achinais avaient été de farouches résistants à la domination hollandaise. Marqué sa férocité, le conflit d’Aceh, à la différence de celui du Timor oriental, qui a abouti en 1999 à un vote pour l’indépendance sous les auspices de l’ONU, n’aura guère mobilisé la communauté internationale.

Si la politique de Jakarta était dénoncée, le GAM apparaissait de son côté comme un mouvement radical, voire sectaire, utilisant l’extorsion de fonds et l’intimidation. « Je ne pense pas que ce sont des combattants de la liberté », expliqué un diplomate. L’accord en passe d’être signé constitue un succès pour la présidente Megawati Sukarnoputri, et qui avait fait d’Aceh une priorité. La présidente, souvent critiquée pour son manque de prises de décision, aura finalement réussi à imposer une solution négociée malgré l’opposition d’un partie de l’armée.

[source – yahoo.com]