On ne change pas « une méthode » qui gagne. Tel est, en substance, le message délivré par Thierry Breton. Le nouveau président de France Télécom veut utiliser les mêmes recettes et, en partie, les mêmes équipes qui permirent le sauvetage de Thomson Multimédia.
Trois ans. C’est le délai que s’est donné Thierry Breton pour réussir un premier redressement de France Télécom, notamment en desserrant l’étau d’une dette colossale.
Appliquant la méthode mise au point chez Thomson Multimédia (entreprise à laquelle Thierry Breton n’a cessé de se référer durant sa conférence, tout en ne la citant qu’une fois), le nouvel homme fort de France Télécom a mis en place sa nouvelle équipe dirigeante chargée de concrétiser son projet.
Remaniements en cours
La mission, officiellement dénommée FT 2005, s’appuiera sur une base rapprochée de quatre dirigeants autour de Thierry Breton, dont Franck Dangeard. Cet ex-numéro deux de Thomson Multimédia, qui en préside toujours le conseil d’administration, aura la haute main sur les finances de l’entreprise.
Dans sa garde rapprochée de treize directeurs exécutifs, Thierry Breton s’est adjoint les services d’un autre ancien collaborateur, Marc Meyer, qui passe de la communication de Thomson à celle de France Télécom.
Dans le même temps, plusieurs hommes-clés de l’ère Michel Bon vont prochainement disparaître de la direction générale. Ainsi, Jean-François Vinciguerra et Nicolas Dufourcq, respectivement directeur financier du groupe et PDG de Wanadoo, ont annoncé leur départ, officiellement pour convenance personnelle. Quant à Jean-François Pontal, PDG d’Orange, il a fait valoir ses droits à la retraite pour mars 2003.
L’équipe de choc du nouveau président s’appuie aussi sur les cabinets Ernst & Young, Deloitte & Touche, McKinsey et AT Kearney, à l’oeuvre depuis deux mois pour analyser les centres de coûts et partir à la « chasse au gaspi ».
Les fournisseurs de France Télécom peuvent s’attendre à des jours difficiles, d’autant que Louis-Pierre Wenes, ancien d’AT Kearney, prend la direction des « achats et de l’amélioration des performances ».
Recentrage des métiers, valorisation des brevets
Fidèle à son expérience acquise chez Thomson, Thierry Breton entend céder rapidement les activités jugées non-stratégiques ou les participations dans lesquelles France Télécom n’a pas un poids décisif – d’où les ventes, en cours, des parts détenues dans les câblo-opérateurs Noos et Casema, et dans l’opérateur satellite Eutelsat.
Le groupe se recentre aussi sur ses marchés forts. En termes de pays, seuls la France et le Royaume-Uni ont été qualifiés de « sanctuaires » par le numéro un du groupe. Concernant les activités, l’Internet à haut débit et la téléphonie mobile figurent évidemment au rang de priorités, la mise en oeuvre de l’UMTS étant repoussée de deux années supplémentaires.
Enfin, Thierry Breton, tout en vantant « la maîtrise technologique et les compétences des ingénieurs [de France Télécom] », entend mieux valoriser le patrimoine intellectuel de l’entreprise, s’étonnant que tant de brevets déposés par France Télécom R&D ne rapportent pas plus à l’opérateur…
Là encore, le PDG du groupe reprend une technique qui avait permis d’injecter des liquidités dans les comptes de Thomson Multimédia, par la cession de multiples brevets.
Faire face au poids de la dette
« La politique d’expansion du groupe [entre 2000 et 2001, NDLR] est une des causes de l’endettement atteint aujourd’hui », confirme le PDG de l’opérateur qui, sans citer la direction précédente, s’est montré à plusieurs reprises acerbe envers leurs choix stratégiques qualifiés « d’aventureux » ou de « risqués ».
« La bonne nouvelle, c’est que nous pouvons trouver des synergies dans un groupe d’une telle taille, en le rendant plus intégré. » Et Thierry Breton de citer un chiffre qui l’a étonné à son arrivée dans la maison : « Nous réalisons entre 46 et 47 milliards d’euros de chiffre d’affaires, et émettons le même montant de factures chaque année !… »
Pour faire face à la dette de 50 milliards d’euros, arrivant à échéance entre 2003 et 2005, Thierry Breton a donc lancé simultanément trois chantiers, chacun devant rapporter ou faire économiser à l’entreprise 15 milliards d’euros.
Le premier concerne la réduction des dépenses et l’amélioration de la trésorerie, sans forte hausse du chiffre d’affaires. Le second, la recapitalisation du groupe, qui passe par une ligne de crédit de 9 milliards d’euros, mise à disposition par l’Etat, et un prochain appel aux marchés. Enfin, dernier étage de la fusée, France Télécom s’efforcera de renégocier sa dette obligataire.
[source – 01net.com]