Ariane-4, lancée samedi de Kourou (Guyane), a placé avec brio son passager sur orbite, en l’occurrence le satellite international de télécommunications Intelsat-907, terminant ainsi en beauté la carrière de cette fusée.
En effet, ce lancement, intervenu après trois reports, en raison de la persistance de violents vents d’altitude, constituait l’ultime tir d’une Ariane-4. Ce vol devait en principe marquer, dans une atmosphère de fête, la passation de pouvoirs entre ce « vieux » lanceur, au terme d’une remarquable carrière de quinze ans, et sa soeur cadette Ariane-5, plus puissante et, aussi, assurait-on à ses débuts, encore plus fiable.
Cette formalité s’est cependant déroulée dans une ambiance que personne n’aurait osé imaginer il y a peu : depuis un nouvel échec, en décembre, le fleuron de l’industrie spatiale européenne de demain est cloué au sol et inspire beaucoup d’interrogations.
Ariane-4, vite guérie de ses maladies de jeunesse, à l’origine de trois échecs, a accumulé 116 réussites, dont 74 succès d’affilée, en huit ans, et mis sur orbite 182 satellites (dont 27 « passagers auxiliaires »), d’une masse globale de 414,5 tonnes. Ariane-5, elle, a connu le même nombre d’échecs en quatorze tirs effectués en six ans.
En juin 1996, son vol inaugural dans sa version de base, dite aujourd’hui « Ariane-5 Générique », se termine par une explosion, due à une erreur de conception informatique. Quatre satellites scientifiques européens Cluster sont détruits. Le premier vol commercial d’une Ariane-5 n’interviendra qu’en décembre 1999.
Plusieurs succès démontrent ensuite, il est vrai, le potentiel du nouveau lanceur. Satisfaction prématurée : en juillet 2001, après un vol bien parti, le moteur Aestus du troisième étage, réputé infaillible, vu sa simplicité (aucune pompe ni pièce mécanique), s’éteint à mi-parcours.
Ses deux passagers son largués à une altitude insuffisante. BSAt-2b (Japon) est irrécupérable, Artémis (Europe), lui, vient tout juste de gagner son orbite, au bout d’un an et demi de lente ascension qu’il n’aurait jamais pu effectuer sans la présence providentielle d’un système de propulsion ionique à son bord.
Enfin, le 11 décembre, une nouvelle version dopée du lanceur, Ariane-5-ECA, rate également son tir inaugural. Des problèmes de refroidissement entraînent une déformation de la tuyère du moteur Vulcain-2 de son premier étage et rendent le lanceur impilotable. Les satellites Hot Bird-7 (EUTELSAT) et Stentor (CNES) terminent leur course dans les profondeurs de l’Atlantique.
L’enquête aboutit à un verdict alarmant : ce n’est pas la nouvelle version mais l’ensemble des Ariane-5 qui suscite « des doutes » quant aux procédures de qualification (validation industrielle). L’ambitieux vol de la sonde européenne Rosetta vers la comète Wirtanen est annulé.
L’Agence Spatiale Européenne (ESA), à l’origine du programme Ariane, réclame sèchement une pause dans l’élaboration de versions futures d’Ariane-5. Il faut d’abord « évaluer les actions à entreprendre » et rétablir la « confiance » chez les clients et les Etats membres de l’Agence, exige le « patron » de l’ESA, Antonio Rodota.
Selon les termes d’un rapport de réflexion sur la politique spatiale française en général, Arianespace et le concepteur des fusées Ariane, le Centre National d’Etudes Spatiales (CNES), « partagent largement » la responsabilité de cette crise.
Une Ariane-5 Générique doit réapparaître sur le pas de tir « à partir de la fin mars », pour mettre sur orbite deux satellites de télécommunications : Insat-3A, de l’Agence Spatiale Indienne, et Galaxy-XII, de l’opérateur américain PanAmSat. La version Ariane-5-ECA, elle, devra attendre au moins la fin de l’année.
[source – yahoo.com]