Un rapport en demi-teinte sur les inspections en Irak

Lors d’un discours très attendu devant le Conseil de sécurité, les chefs des experts en armement de l’Onu ont livré vendredi une vision contrastée des efforts de l’Irak en vue de son désarmement.

Les pays opposés à l’intervention militaire y ont vu la justification de leur souhait d’une poursuite des inspections tandis que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont de nouveau refusé de croire à une réelle volonté irakienne de désarmer.

Le chef de la Commission de contrôle, de vérification et d’inspection de l’Onu (Unmovic) Hans Blix a en effet déclaré qu’aucune preuve ne permettait d’affirmer que l’Irak possède des armes de destruction massive. Mais il a ajouté que rien ne permettait de l’exclure.

Il a noté que la portée de missiles excédait la distance autorisée par les résolutions de l’Onu, expliqué que l’Irak n’avait pas rendu compte de nombre d’armes prohibées et devait expliquer ce qu’il est advenu de ses stocks présumés de bacille du charbon, de gaz innervant VX et de missiles longue portée.

Mais il a d’autre part estimé que le secrétaire d’Etat américain Colin Powell n’avait pas apporté de preuves irréfutables sur d’éventuelles manoeuvres irakiennes pour soustraire des armes aux inspections de l’Onu, lors de son « réquisitoire » prononcé le 5 février devant le Conseil.

Ce discours de Blix est donc venu conforter la position de plusieurs membres du Conseil de sécurité, au premier rang desquels la France, la Russie et l’Allemagne, qui ont toutes demandé la poursuite des inspections.

VILLEPIN PROPOSE UNE NOUVELLE REUNION LE 14 MARS

Face à eux, Etats-Unis et Grande-Bretagne considèrent en revanche que la guerre est probablement le seul moyen de régler la crise irakienne. La résolution 1441 de l’Onu ordonne à l’Irak de désarmer sous peine de « graves conséquences ». Un projet de résolution autorisant implicitement l’usage de la force pourrait circuler sinon ce week-end du moins la semaine prochaine au sein d’un Conseil de sécurité profondément partagé.

Le Français Dominique de Villepin, un des premiers ministres des Affaires étrangères des pays membres du Conseil à intervenir après les rapports des inspecteurs, a jugé inutile à ce stade le vote d’une nouvelle résolution et proposé un nouveau rendez-vous diplomatique, au niveau ministériel, le 14 mars.

« L’usage de la force ne se justifie pas aujourd’hui », a-t-il estimé, ajoutant qu’une telle intervention risquait « d’aggraver les fractures entre les sociétés, les cultures, les peuples, fractures dont se nourrit le terrorisme ».

Répétant au contraire que les inspections ne produisaient aucun résultat, Powell a raillé les affirmations de l’Irak selon lesquelles il coopérerait avec les inspecteurs. « Nous ne pouvons pas permettre à ce processus de s’étendre à l’infini. »

Rejetant les propositions françaises de renforcement des inspections, il a ajouté: « Nous n’avons pas besoin de plus d’inspecteurs. Ce dont nous avons besoin, c’est d’une coopération immédiate, active, inconditionnelle et entière de la part de l’Irak. »

S’alignant sur l’intransigeance de Washington, la chef de la diplomatie espagnole Ana Palacio a averti que le Conseil devrait prendre ses responsabilités.

Le porte-parole de la Maison blanche Ari Fleicher a fait savoir par la suite que le président George W. Bush espérait toujours que l’Irak désarmerait et que le recours à la force pourrait être évité.


AUCUNE TRACE D’ACTIVITE NUCLEAIRE PROHIBEE

Chargé du volet nucléaire des inspections, Mohammed ElBaradeï, directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), a déclaré que ses inspecteurs n’avaient trouvé en Irak aucune trace d’activités nucléaires prohibées.

« Cependant (…) un certain nombre de problèmes font toujours l’objet d’investigations », a-t-il précisé.

Un député irakien a estimé à l’issue des exposés au Conseil de sécurité que les rapports présentés par Blix et Elbaradeï prouvaient la bonne foi irakienne.

« Ce qu’il faut en conclure, c’est que les accusations de l’administration américaine sont incorrectes, mais (ce qui est correct en revanche) c’est que l’Irak n’a pas d’armes de destruction massive », a déclaré Mouthafar Mohamed al Adhami.

Signe d’un changement d’attitude de Bagdad, le président irakien Saddam Hussein a accédé vendredi à une requête des inspecteurs en prenant « un décret » interdisant l’importation et la production d’armes de destruction massive.

De son côté, le vice-Premier ministre irakien Tarek Aziz a promis vendredi au pape Jean Paul II lors d’un entretien au Vatican que le gouvernement irakien coopérerait avec la communauté internationale en matière de désarmement. Le cardinal Roger Etchegaray, émissaire personnel de Jean Paul II pour la paix en Irak, est à Bagdad où il doit remettre un message à Saddam Hussein.

NOUVEAUX RAIDS EN IRAK

A Melbourne, quelque 150.000 personnes ont donné le coup d’envoi d’un long week-end de manifestations qui rassembleront, dans le monde entier, des milliers d’opposants à la guerre en Irak. Cette mobilisation, dont le point d’orgue est la journée de samedi, doit concerner près de 600 villes, de Pretoria à San Francisco en passant par Londres, Rome ou Paris.

De nombreux sondages tendent à montrer que la majeure partie des opinions publiques mondiales sont opposés à une nouvelle guerre en Irak. Ces manifestations seront l’occasion pour les pacifistes de dénoncer également le déploiement, engagé depuis plusieurs mois, de plus de 100.000 soldats américains dans le Golfe, près à lancer une intervention en Irak.

Vendredi, les aviations américaine et britannique ont de nouveau bombardé des systèmes de missiles irakiens dans la zone d’exclusion aérienne du sud de l’Irak. Il s’agit de leur cinquième raid sur ce pays en une semaine.

Les marchés boursiers et le dollar ont brièvement salué vendredi les rapports de Blix et ElBaradeï, avant d’annuler pratiquement leurs gains, tandis que les fonds d’Etat et l’or reculaient et que le pétrole remontait.

[source – yahoo.com]