Columbia: deux jours avant, un ingénieur avait envisagé une catastrophe

Un ingénieur de la Nasa avait évoqué, deux jours avant le retour tragique de la navette Columbia, un scénario catastrophe causé par une surchauffe du train d’atterrissage gauche susceptible d’entraîner un éclatement des pneus lors de sa rentrée dans l’atmosphère.

Dans un courriel interne daté du 30 janvier, intitulé « Préoccupations quant à une défaillance du train d’atterrissage » et rendu public mercredi soir par l’agence spatiale américaine, cet ingénieur, Robert Daugherty, du centre de recherches Langley (Nasa), avait envisagé l’hypothèse que le débris ayant endommagé l’aile gauche de Columbia lors du décollage ait pu endommager gravement la trappe du compartiment du train d’atterrissage.

Le 16 janvier, 80 secondes après le lancement, une pièce de « mousse isolante » s’était détachée du réservoir externe central situé sous le ventre de la navette. Ce débris était venu frapper les tuiles du bouclier thermique sous l’aile gauche de Columbia, avant de se disloquer sous le choc.

Du 20 au 27 janvier, les ingénieurs avaient tenu une série de réunions pour évaluer l’ampleur des dégâts causés par ce débris sur les tuiles. Le 28, les responsables du vol avaient conclu que l’impact n’avait pas endommagé la navette au point de constituer un risque lors de sa rentrée dans l’atmosphère.

Mais, deux jours plus tard, Robert Daugherty, dont l’avis avait été sollicité, avait fait part de son inquiétude aux responsables du vol.

Le débris de mousse, expliquait-il, a pu avoir abîmer la trappe du train d’atterrissage, risquant d’exposer la structure du train aux énormes températures extérieures (jusqu’à 1.650 degrés).

« Le train, en aluminium, perdra ses propriétés matérielles au fur et à mesure qu’il chauffe et la pression des pneus va s’accroître. A un moment, la roue pourrait se briser et envoyer des débris partout », écrivait-il.

Ce scénario entraînera un éclatement des pneus. « Il me semble qu’avec un tel carnage dans le compartiment du train d’atterrissage, les choses pourraient tourner vraiment mal, suffisamment pour empêcher la sortie (du train d’atterrissage). Et alors, ça risque de faire mal », poursuivait-il, en envisageant un possible atterrissage en catastrophe sur le ventre.

Il évoquait aussi la possibilité que la surchauffe à l’intérieur du compartiment ne fasse éclater les charges pyrotechniques de secours (utilisées pour forcer la sortie du train d’atterrissage au cas où celui-ci serait récalcitrant) ou endommage d’autres pièces, comme les circuits hydrauliques.


La réponse du destinataire de ce courrier électronique, David Lechner, de United Space Alliance (USA), un sous-traitant de la Nasa, fut la suivante:

« J’apprécie vraiment vos remarques candides (…) Votre point de vue est bénéfique. Comme tout le monde, nous espérons que l’analyse d’impact du débris (de mousse) est correcte ».

La Nasa n’a fait aucun commentaire en rendant public ce document mais sa publication à ce stade de l’enquête n’est certainement pas un hasard car le scénario qu’il relate donne froid dans le dos.

En effet, selon la Nasa, les premières anomalies sont survenues dans le compartiment du train d’atterrissage, quelques minutes avant la catastrophe le 1er février, alors que la navette plongeait vers la Terre à plus de 21.000 km/h.

Le centre de contrôle de Houston (Texas) a détecté alors des écarts anormaux de températures dans les circuits hydrauliques du train d’atterrissage de l’aile gauche, puis une perte subite des télémesures de toute l’aile, les capteurs thermiques cessant de fonctionner les uns après les autres.

A ce même moment, une alarme s’est affichée sur l’écran de bord du commandant, Rick Husband, indiquant apparemment une anomalie de la pression des pneus. Il a appuyé sur un bouton, signifiant ainsi qu’il en avait pris connaissance, un signal relayé aussitôt au sol.

A ce moment-là, le « CapCom », le contrôleur de Houston qui communique avec l’équipage, a appelé la navette. « Columbia, ici Houston. Nous avons reçu vos derniers messages sur la pression des pneus. Nous n’avons pas capté le dernier (message)… « .

Après un bref instant, le commandant de bord a répondu: « Bien reçu, mm… ». Puis, ce fut le silence radio.

[source – yahoo.com]