Verisign joue au chantage pour sauver son service Site Finder

La société prévient clairement que si ce service de redirection est définitivement désactivé, elle réclamera des dédommagements. Et ne sera peut-être plus à même d’assurer l’amélioration de l’infrastructure dont elle a la charge.

Site Finder n’est pas mort et enterré. Et Verisign tient à le faire savoir.

La société américaine a organisé une conférence de presse, lundi 6 octobre, pour souligner que son service, controversé, de redirection d’adresses n’était que temporairement suspendu. Et surtout pour fustiger l’Icann (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers), l’organisme de régulation de l’internet. Comme nous l’écrivions hier, ce dernier est parvenu à faire plier la société, en lui fixant un ultimatum et en la menaçant implicitement de poursuites judiciaires.

Rappelons que l’objectif de Site Finder est de rediriger les adresses internet en .com et en .net incorrectement orthographiées vers le site de Verisign. La société récupère au passage de nombreuses informations concernant l’internaute à l’origine de l’url erronée. Elle a, pour ce faire, modifié une partie de l’infrastructure du réseau internet qu’elle gère, en y introduisant un « Wildcard DNS » (ou « joker »), qui renvoie une partie du trafic vers un de ses serveurs. Cette « fonctionnalité » a soulevé les protestations de nombreux experts, qui ont souligné ses dérives à la fois techniques et juridiques.

Durant la conférence de presse, les dirigeants de Verisign ont souligné que le service Site Finder n’a pas à être évalué par l’Icann. La société répliquera «au préjudice [causé] et au parti pris de quelques personnes qui ont une manière bien définie pour faire les choses». En clair: l’Icann empêche Verisign d’innover et de proposer aux utilisateurs des services adaptés à leurs besoins. De quoi relancer la sempiternelle polémique au sujet du contrôle et de la régulation des infrastructures de base de l’internet.

Site Finder aurait un «impact technique minimal»

Verisign n’hésite pas non plus à donner dans l’alarmisme pour tenter de sauver son service: Russel Lewis, son vice-président, a expliqué avoir besoin de créer des nouveautés pour générer les revenus nécessaires à la protection du registre central (registry) des .com, dont il a la charge. La fermeture complète de ce service pourrait avoir un impact négatif sur la santé financière de Verisign, et par répercussion, sur la totalité de l’internet, a-t-il prévenu. Et d’ajouter, à la limite du chantage déguisé. «Si nous n’innovons pas, l’infrastructure ne sera pas améliorée et le réseau internet s’affaiblira».

Les dirigeants de la société affirment qu’ils sont en train de rassembler leur propre comité d’experts pour évaluer les conséquences techniques de l’introduction d’un Wildcard DNS. Ils sont déjà sûrs des conclusions. «L’impact technique est minimal», ont-ils assuré.

Pendant ce temps, certains opérateurs semblent prendre leurs dispositions pour contourner une éventuelle redirection automatique effectuée par Site Finder. C’est ce que démontre une étude publiée le 6 octobre par le Centre Berkman pour l’internet et la société, à l’université de Harvard. Celle-ci s’appuie sur des statistiques fournies par Alexa, une filiale d’Amazon, spécialisée dans la mesure du trafic internet.

Le service est indésirable en Chine

Selon Ben Edelman, l’un des auteurs de ce rapport, de nombreux fournisseurs d’accès situés hors des États-Unis ont désactivé Site Finder. Près de la moitié de ces blocages proviennent de Chine, a-t-il découvert. «Cela reflète certainement une coordination plus centralisée des réseaux, ce qui permet de répondre plus rapidement à des changements indésirables sur le réseau», explique-t-il.

Mais Ben Edelman est surpris de n’avoir recensé aucun FAI américain d’envergure parmi ceux qui ont pris l’initiative de contourner Site Finder. «Je n’ai aucun fournisseur américain sur ma liste, et je doute que cela puisse être une erreur. Ces derniers n’ont visiblement pas souhaité bloquer le service, et cela nous a surpris, c’est le moins que l’on puisse dire.»

Les données rassemblées par Alexa montre néanmoins que Verisign a parfaitement réussi son coup en introduisant Site Finder. Son objectif était de drainer un maximum de trafic pour pouvoir le monnayer auprès des annonceurs. Dans le classement des sites les plus visités, Verisign.com est passé de la 1559e à la 19e place aussitôt après le lancement de Site Finder, avec plus de 37 millions de visiteurs quotidiens. Et parallèlement, à cause de Site Finder, le trafic de MSN, qui propose aussi un service de redirection via Internet Explorer (*), a perdu environ 19 millions de visiteurs (de 237 à 218 millions par jour).

(*) Celui-ci ne repose pas sur une modification de l’infrastructure du réseau internet, contrairement à Site Finder.

[source – ZDNet.fr] Estelle Dumout Avec John Borland et Declan McCullagh, Cnet News.com