La tendance est désormais à la mise en cause de la responsabilité des usagers des réseaux « peer-to-peer ». Aux USA, l’affaire Verizon est entendue, et en Italie la police traque chaque personne qui télécharge Kazaa ou ses clones.
Une cour d’appel fédérale américaine a confirmé, mercredi 4 juin, le jugement qui contraint le fournisseur d’accès Verizon à communiquer, au syndicat américain des maisons de disque, l’identité de quatre de ses abonnés. Ils sont accusés d’être des utilisateurs de réseaux « peer-to-peer » (P2P). Verizon a été débouté. Il dénonçait la procédure utilisée par la Recording Industry Association of America (RIAA) et prévue par la loi Digital Millenium Copyright Act (DMCA). Cette procédure permet aux ayants droit d’obtenir l’identité de supposés pirates auprès des fournisseurs d’accès, sans avoir à requérir la décision d’un juge.
Pour Verizon, cette disposition de la loi autorise n’importe quelle entité privée à accéder à des informations personnelles sur ses abonnés, en violation de leur vie privée et sans autre forme de procès. L’argument n’a pas été retenu par la cour d’appel. La même cour avait rejeté récemment les allégations du fournisseur d’accès, selon lesquelles cette disposition du DMCA était anticonstitutionnelle.
Les particuliers exposés à des poursuites
Cette décision de justice intervient un mois après qu’une autre cour fédérale américaine a considéré que les éditeurs de logiciels P2P, Morpheus et Grokster, n’étaient pas responsables des violations de copyright de leurs utilisateurs. Motif avancé: ils permettent, par ailleurs, des usages parfaitement licites, comme, par exemple, l’échange de photos personnelles ou d’autres types de documents non couverts par le copyright. Empêchée de poursuivre les opérateurs de réseaux P2P qui ont succédé à Napster, la RIAA – et avec elle d’autres syndicats de producteurs, comme la MPAA pour le cinéma – se voit accorder désormais la possibilité d’attaquer directement les utilisateurs de ces réseaux d’échange.
«Lorsque le Congrès a décrété le DMCA, il a délibérément mis en balance les intérêts des fournisseurs d’accès internet, et ceux des ayants droit. Les FAI ont obtenu l’immunité à l’égard des actes de piratage effectués sur leurs réseaux, et les ayants droit ont bénéficié [en contrepartie] de mécanismes rapides et efficaces pour obtenir l’identité des utilisateurs qui volent leurs oeuvres», a fait valoir la présidente de la RIAA, Cary Sherman, qui se félicite bien sûr de l’issue de l’affaire Verizon.
Le DMCA a largement inspiré la rédaction de la directive européenne EUCD sur le droit d’auteur dans la société de l’information – actuellement en cours de transposition dans de nombreux pays de l’Union européenne dont la France. Par ailleurs, s’il est voté en l’état, le texte du projet de loi français sur l’économie numérique (LEN) permettra aux ayants droit d’obtenir en moins de 48 heures des fournisseurs d’accès, sur décision d’un juge des référés, de bloquer l’accès aux contenus échangés sur les réseaux P2P. C’est-à-dire, au minimum, de fermer les comptes des utilisateurs de ces réseaux dont l’adresse IP aura été identifiée.
Les « P2Pistes » italiens inquiétés au nom de l’EUCD
En Italie, où l’EUCD a déjà été transposée, les utilisateurs de réseaux P2P encourent une amende pouvant aller jusqu’à 1032 euros, en cas de récidive. Le quotidien La Republica a révélé, en début de semaine, qu’un juge a autorisé la police italienne à mettre en place un système pour intercepter et conserver une copie des adresses e-mails communiquées par les internautes italiens, lors de l’installation de logiciels P2P comme Kazaa. La majorité de ces adresses e-mails sont fantaisistes mais pas toutes. Selon La Republica, des poursuites auraient d’ores et déjà été engagées contre 75 personnes, et 3000 autres seraient en voie d’être identifiées.
Sur un autre front, les derniers soubresauts de l’affaire Napster promettent de donner lieu à quelques réglements de compte. Après Universal Music le mois dernier, la maison de disques EMI vient en effet de s’associer à la plainte déposée en février par des éditeurs américains contre le géant des médias allemand Bertelsmann. Il est accusé d’avoir permis à la start-up défunte de poursuivre ses activités pendant plusieurs mois, en lui accordant quelque 100 millions de dollars de prêts, perpétuant ainsi des violations massives de copyright par les utilisateurs du réseau P2P. Les plaignants réclament à Bertelsmann 17 milliards de dollars de dommages et intérêts.
[source – ZDNet.fr] Philippe Astor