Le gouvernement Raffarin aborde une semaine de vérité après la manifestation monstre de dimanche à Paris de centaines de milliers de personnes lui demandant de revoir sa réforme des retraites.
Forts de leur démonstration de force, les syndicats (CGT, FSU, Unsa, Force ouvrière et le Groupe des Dix) demandent au Premier ministre français de surseoir à la présentation du projet mercredi en conseil des ministres.
Mais le ministre des Affaires sociales, François Fillon, a exclu dans la soirée de renégocier sa réforme avec les partenaires sociaux.
« Revoir les syndicats toujours, renégocier, non », a-t-il dit sur TF1, soulignant que les manifestants étaient « nombreux à manifester contre les retraites et encore plus nombreux à sanctionner les gouvernements qui n’ont pas le courage de les faire ».
Le cortège parisien, l’un des plus imposants de ces dernières années, a rassemblé 600.000 personnes selon les organisateurs et 300.000 selon la police.
Face à la détermination affichée jusqu’à présent par le gouvernement, le « front du refus » appelle d’ores et déjà à amplifier la mobilisation et brandit la menace d’un blocage des transports à partir du 3 juin.
« Aucun calendrier politique ne saurait justifier la volonté du Premier ministre de passer en force », déclarent les organisateurs.
« Une longue mobilisation, y compris avec des actions dures, est possible », a prévenu Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT. « Nous sommes à la veille du 28, vous avez encore la possibilité de discuter, après ce sera un débat politique », a renchéri Marc Blondel secrétaire général de FO.
Les opposants à la réforme bénéficient du soutien d’une majorité des Français (65%), selon un sondage CSA/Le Parisien-Dimanche. De plus, 74% d’entre eux voient dans le défilé de dimanche le signe d’un conflit qui va durer.
Selon une étude Ifop pour Dimanche Ouest-France, 55% des Français souhaitent l’ouverture de nouvelles négociations.
Dans le même temps, Jacques Chirac et Jean-Pierre Raffarin enregistrent un recul, respectivement de sept et de trois points, dans le baromètre Ifop.
Un « retour sur terre » après les surcroîts de popularité de la crise irakienne qui semble traduire, pour le chef de l’Etat, une forte demande d’expression et d’explications.
RAFFARIN SEREIN
Cependant, Jean-Pierre Raffarin ne semble pas prêt à sacrifier sa crédibilité à un indice de popularité.
« Je ne suis pas inquiet, il y a l’expression du moment et puis il y a le devoir d’avenir. Moi, j’estime devoir assumer mes responsabilités pour l’avenir de la France », a-t-il déclaré samedi soir avant de quitter le Canada pour regagner la France.
Le Premier ministre doit présider mardi un comité interministériel sur l’Education pour tenter de dénouer la crise des enseignants et éviter qu’elle ne se conjugue avec celle des retraites.
Il devrait attendre mercredi pour s’exprimer sur la crise sociale, probablement sur TF1, selon le JDD.
François Bayrou, président de l’UDF, a estimé pour sa part que les Français « ressentent un vrai malaise » mais il a affiché son soutien au gouvernement.
« Imaginez que le gouvernement retire sa réforme, on ne pourrait plus jamais faire de réforme en France », a-t-il dit au Grand Jury RTL-Le Monde-LCI.
Le président de l’UMP, Alain Juppé, a également appelé le gouvernement à tenir bon.
« En démocratie, la décision appartient aux représentants du peuple », a-t-il ajouté sur Europe 1, soulignant qu’il revenait désormais au Parlement de débattre du projet du gouvernement.
« Nous irons jusqu’au bout de cette réforme. C’est au Parlement que désormais le débat va s’ouvrir », avait martelé vendredi le ministre des Affaires sociales.
Dans une tribune adressée à « ceux qui doutent », François Fillon s’est également employé à dénoncer les « mensonges » utilisés selon lui pour torpiller son projet.
« Les salariés ne doutent pas. Ils sont inquiets et n’ont plus confiance », lui ont répondu les syndicats.
Le numéro deux de la CGT Jean-Christophe Le Duigou a demandé au gouvernement de « reporter de quelques mois les décisions » sur les retraites en déplorant que son calendrier soit, selon lui, « purement politique ».
En revanche, le secrétaire général de la CFDT, François Chérèque, qui a approuvé le compromis proposé par le gouvernement, estime que « retirer le texte » sur la réforme des retraites « serait la pire des choses ».
Les opposants espèrent en tout cas que l’ampleur de la mobilisation amènera le gouvernement à reconsidérer sa position dans un pays où peu de réformes, depuis vingt ans, ont résisté à l’assaut de centaines de milliers de manifestants dans la capitale.
Les syndicats doivent se retrouver dès mercredi pour envisager une « amplification du mouvement » et le début de la semaine devrait être marqué par une multiplication d’appels à la grève, notamment dans les hôpitaux et aux impôts.
Le 27 mai, les fédérations CGT, SUD, FO, Unsa et CFTC appellent à la grève à La Poste et à France Télécom, et une journée de mobilisation est prévue dans les Bouches-du-Rhône.
Le trafic aérien sera sensiblement perturbé le même jour par une grève des contrôleurs aériens.
S’y ajoute la mobilisation des personnels de l’Education nationale, qui prévoient une nouvelle journée d’action mardi contre les deux réformes majeures du gouvernement, les retraites et la décentralisation.
Si le projet de loi sur les retraites est transmis en l’état le 15 juin au Parlement, les syndicats des transports menacent en outre d’entamer une grève reconductible à la SNCF, la RATP et dans les « entreprises privées et publiques » à compter du 2 juin au soir pour les trains et du 3 au matin dans les autres secteurs.
[source – yahoo.com] (Reuters)