Un festival de Cannes qui ne restera pas dans les mémoires

Un festival de Cannes qui ne restera pas dans les mémoires

Sinistrose chez les festivaliers et à l’écran, « guéguerre » entre critiques anglo-saxons et français, grande faucheuse en star du cru 2003, le 56ème Festival de Cannes baisse le rideau dimanche sur une note sombre, et un millésime qui ne restera pas dans les mémoires.

La mort, qui a pris le visage samedi de Catherine Hiegel dans « Les côtelettes » de Bertrand Blier, a beaucoup plané sur une sélection qui n’a suscité aucune vraie passion et a parfois été jugée indigne de « la grande dame des festivals ».

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Du bébé qui meurt dans le désert afghan, survolé par les hélicoptères américains dans « A cinq heures de l’après-midi » de Samira Makhmalbaf, à la tuerie inexpliquée des lycéens dans « Elephant » de Gus Van Sant, la grande faucheuse était à l’oeuvre dans nombre des 20 films en lice pour la Palme d’or.

Un vrai massacre conclut aussi « Carandiru », l’enfer carcéral du Brésilien Hector Babenco, ainsi que « Dogville » de Lars von Trier, qui n’épargne que le chien Moïse. Dans « Tiresia », la mort brutale met fin au destin tragique de l’oracle aux yeux crevés.

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L’adolescent des « Egarés » d’André Téchiné se pend, l’avenir lumineux annoncé par le Japonais Kioyoshi Kurosama dans « Bright Future » a son lot d’assassinés et de pendus. Pédophilie, culpabilité et meurtres sont au coeur du sépulcral polar de l' »Impitoyable » Clint Eastwood. Et sur les bords du Bosphore, la solitude crépusculaire de « Uzak » glace le sang.

« Cannes est peut-être le premier Festival qui récolte vraiment les films réalisés dans l’ombre du 11 septembre », écrit le magazine britannique Screen. « Des réalisateurs d’envergure s’efforcent d’exprimer leur sentiment d’horreur devant un monde dans lequel le vernis de la civilisation est en train de se craqueler ».

Rares sont les films qui ont suscité rires et espoir. Pourtant, le franco-chilien Raul Ruiz a déridé les festivaliers avec son « conte helvétique » et son délirant jeu de massacre dans « Ce jour là ». Et, paradoxalement, c’est au chevet d’un condamné, qui a fait couler beaucoup de larmes, qu’on a entendu le plus de fous rires: « les invasions barbares » de Denys Arcand a ainsi gagné « la Palme du coeur », selon les festivaliers.

Faut-il y voir les dommages collatéraux des querelles politiques ? En tout cas, la presse anglo-saxonne a tiré à boulets rouges sur cette sélection, « la pire de mémoire de festivaliers », selon Allan Hunter dans Screen. « Le film plombé de cape et d’épée +Fanfan la Tulipe+ a donné le ton, en ouverture », ajoute le journaliste, qui n’épargne que « Swimming pool » et regrette – comme le Hollywood Reporter américain – l’absence en compétition du film d’animation de Sylvain Chomet, « Les Triplettes de Belleville », « un délice ».
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« La monumentale folie » de Vincent Gallo (la scène de fellation) entrera dans l’histoire, écrit cette plume mordante, en suggérant des médailles pour « les survivants traumatisés ».

Le Financial Times, qui n’épargne que « Dogville », souhaiterait « des explications écrites des sélectionneurs » sur le choix de quatre titres, en précisant « je pourrais en citer d’autres mais je ne veux pas vous pousser au Prozac » !

La presse française n’est pas très indulgente non plus: la sélection est jugée « inégale, voire médiocre » par le Figaro, qui espérait un « film miracle ». « Ca manque de passion et d’étripage à la sortie des salles », dit un habitué. « Je n’ai détesté aucun film mais je n’en ai adoré aucun. Je n’aimerais pas être à la place du jury ».

[source – yahoo.com] (AFP)