Alors que la guerre se termine, l’Irak est devenu un lieu de débat sur la manière de reconstruire le pays et retrouver sa place dans une économie mondiale dont il est resté à l’écart pendant plus d’une décennie.
« L’Irak est devenu un forum de discussion, les gens parlent de la façon dont il faut diriger les choses après 35 ans passés sous un système à pensée unique », explique Fadel Ali, rédacteur en chef de l’hebdomadaire économique Al-Iqtissadi, en référence au parti Baas.
Avant que l’hebdomadaire cesse de paraître au début de la guerre il y a un mois, ses pages reflétaient l’autarcie qui caractérisait l’économie sous Saddam Hussein.
« Avant, nous ne publiions aucun cours de bourse, aucun cours de change ou cours du pétrole. Les Irakiens n’ont pas d’investissements à l’étranger et il n’y a pas d’investissement étranger en Irak. De telles informations n’auraient eu aucun sens pour la population », dit M. Ali.
Bien que l’Irak exporte du pétrole, 60% de ses 24,5 millions d’habitants vit de rations financées par le programme de l’Onu « pétrole contre nourriture », conçu pour alléger les conséquences de l’embargo international infligé à l’Irak après son invasion du Koweit en 1990.
« Que les cours du pétrole montent ou descendent, cela revient au même pour les Irakiens. Nous avions une page consacrée à l’étranger, avec des nouvelles d’entreprises, par exemple les fusions. On l’appelait la page morte, car elle n’avait aucune importance », note M. Ali.
Pour lui, il ne fait aucun doute que des investissements étrangers en Irak sont nécessaires, ce qui devrait être possible, estime-t-il, maintenant que la raison à l’origine des sanctions a disparu avec Saddam.
« Ce qui nous est arrivé est similaire à ce qu’ont connu l’Allemagne et le Japon après la seconde guerre mondiale. Il faudrait une sorte de plan Marshall pour reconstruire l’Irak », affirme-t-il.
« Notre pays est riche, il pourra rembourser à long terme », ajoute-t-il, faisant référence aux réserves pétrolières irakiennes, les deuxièmes au monde après celles de l’Arabie saoudite.
Le FMI et la Banque mondiale se sont déjà dits prêts à contribuer à la reconstruction de l’Irak, mais leur participation concrète dépendra du futur gouvernement irakien.
En attendant, les Etats-Unis vont gérer l’Irak par l’intermédiaire d’un gouvernement provisoire chargé prioritairement de rétablir l’eau, l’électricité et les télécommunications. Ce gouvernement pourrait rester en place deux ans, selon le principal opposant irakien, Ahmed Chalabi.
Et les principaux étrangers appelés à jouer un rôle seront les entreprises américaines, qui bénéficieront d’un budget spécial de Washington pour reconstruire l’Irak.
Le géant californien Bechtel a déjà remporté un contrat d’une valeur potentielle de 680 millions de dollars — le plus gros des huit contrats pour reconstruire l’Irak — pour réparer le système électrique et de distribution d’eau.
Un économiste irakien, Houmam Chammaa, a estimé à 50 milliards de dollars le coût total du processus de reconstruction de l’Irak, dévasté par une succession de guerres (Iran-Irak 1980-1988, guerre du Golfe en 1991, et enfin la dernière offensive américano-britannique) auxquelles s’ajoutent les sanctions des Nations unies.
Si on ajoute à cela le problème de la dette extérieure, « la situation économique devient catastrophique », note M. Chammaa.
« Les revenus nationaux ne dépassant pas les 25 milliards de dollars. Comment pourrait-on financer la reconstruction et la dette? » interroge-t-il.
Les Etats-Unis font actuellement pression sur les créditeurs de l’Irak « et notamment sur les trois principaux pays qui se sont opposés à la guerre, Russie, Allemagne et France » pour qu’ils effacent une partie de la dette irakienne afin d’aider le nouveau gouvernement.
[source – yahoo.com]