Le Golfe inquiet des perspectives à long terme avec le retour de l’Irak

Le Golfe inquiet des perspectives à long terme avec le retour de l’Irak

La guerre en Irak a fait monter les bourses dans le Golfe et permis à plusieurs sociétés de signer des contrats intéressants, mais des analystes estiment qu’à long terme, les pays voisins pourraient avoir plus à perdre qu’à gagner du réveil économique irakien.

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S’il est encore trop tôt de parler de l’aube d’un nouvel Irak, toutes les pièces seront bientôt en place pour que le géant irakien endormi devienne dans un avenir prévisible une puissance économique au Moyen-Orient.

Outre ses énormes réserves pétrolières, les deuxièmes après l’Arabie saoudite, l’Irak dispose d’une main d’oeuvre qualifiée et d’une base solide pour le développement de son agriculture avec un pourcentage élevé de terres cultivables.

« Sur le long terme, cela aura des effets négatifs sur les autres Etats de la région », estime Ali Al-Nimech, un économiste de Koweit.

« Le plus important c’est le cours du brut. Une fois que l’Irak aura commencé à produire et exporter à pleine capacité, les prix chuteront. Les revenus pétroliers seront réduits de 20 à 25% dans les autres Etats pétroliers du Golfe », a-t-il dit.

Jusqu’à présent, la guerre qui a détrôné Saddam Hussein a profité aux marchés financiers dans la région.

La bourse du Koweit a atteint son plus haut niveau avant de glisser légèrement la semaine dernière, tandis que la bourse saoudienne a connu cinq semaines consécutives de hausse et que la capitalisation a atteint 100 milliards de dollars ce mois-ci.

Les firmes du Koweit cueillent pour l’instant le fruit du soutien de leur gouvernement à la guerre, en raflant des contrats sur l’acheminement d’eau, de vivres et des services à travers la frontière.

Selon la revue Middle East Economic Digest (MEED), la société koweitienne Kharafi National a remporté un contrat pour la construction d’un projet d’alimentation en eau potage du port irakien d’Oum Qasr, d’une capacité d’un million de litres. La société koweitienne Pipe Industries a été retenue pour fournir le matériel.

Mais des analystes soulignent que ce sont les Américains et non les Irakiens qui décideront à l’avenir de l’attribution des contrats lucratifs.

« Le secteur privé est optimiste. Ils veulent faire maintenant des affaires, mais au fond d’eux-mêmes, ils savent que le pouvoir de décision n’est pas aux mains des Irakiens », dit Jassem Saadoun, du cabinet de consultants koweitien al-Shall.


« La hausse de la bourse koweitienne est motivée par une surestimation des gains à tirer de la reconstruction en Irak », estime-t-il.

« La situation aurait été totalement différente si c’étaient les Nations unies qui géraient » la transition, indique Ihsan Bou Houlaïja, un économiste saoudien. Actuellement, ce sont « les firmes américaines qui auront le gros lot, les autres pays n’obtenant que des miettes », ajoute-t-il.

Des contrats importants ont déjà été attribués au géant californien de bâtiment et travaux publics Bechtel, et à Kellogg Brown and Root, une filiale de Halliburton, dont le vice-président américain Dick Cheney est l’ancien PDG.

Même si les émirats du Golfe finissent par obtenir une portion congrue du gâteau, les perspectives d’une inondation du marché par un pétrole irakien coulant à flot met la région sous pression.

« L’Organisation des pays exportateurs du pétrole (Opep) produit déjà au dessus de ses quotas alors que la demande saisonnière est en baisse », estime Bou Houlaïja. « Si l’on y ajoute le pétrole irakien, l’on s’oriente vers un effondrement » des cours, ajoute-t-il.

Selon Nimech, le Koweit en particulier n’est pas préparé pour un retour de l’Irak sur la scène pétrolière, le jour où les sanctions internationales seront levées et que les infrastructures pétrolières seront remises en état.

Le Koweit « n’a pas de plan. Pour le moment, il tire d’énormes profits et recettes du pétrole. Mais le prix ne va plus monter, comment alors s’attendre à ce que l’avenir soit brillant? », souligne cet économiste.

Entre-temps, un Irak politiquement instable ne peut pas favoriser les affaires. « Si les Irakiens se retournent en masse contre l’occupation (américaine), les investisseurs fuiront (la région) de peur d’une déstabilisation », estime Saadoun.

« Tout le monde attend de voir ce que les Etats-Unis vont faire et ce n’est pas du tout clair », dit-il.

[source – yahoo.com]