Réunion des opposants, pressions sur la Syrie

Réunion des opposants, pressions sur la Syrie

Mardi, les Etats-Unis organisent une réunion des opposants à Saddam Hussein à Nassiriya. La manifestation qui se déroule dans les rues de la ville avant cette réunion témoigne de la méfiance des Irakiens. Par ailleurs, Washington a de nouveau menacé Damas, lundi, la Maison Blanche rappelant qu’elle considérait la Syrie comme un « Etat voyou ». Sur le terrain, les marines étaient en voie de contrôler Tikrit, un succès qui devrait marquer la fin des opérations militaires d’envergure en Irak.

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Réunion des opposants.

Les Etats-Unis organisent, mardi 15 avril, à Nassiriya une première rencontre entre anciens opposants à Saddam Hussein. La délégation américaine sera conduite par le représentant spécial de la Maison Blanche auprès de l’opposition irakienne, Zalmay Khalilzad.

La réunion sera, selon le New York Times, présidée par le général Jay Garner, qui doit prochainement diriger l’administration américaine intérimaire en Irak.

Ce sera là une première mise à l’épreuve sérieuse des projets des Etats-Unis pour administrer l’Irak de l’après-Saddam Hussein. De nombreux Irakiens ne cachent pas, en effet, leur scepticisme tout en admettant qu’un gouvernement, quel qu’il soit, est préférable à l’anarchie qui prévaut depuis l’effondrement du régime du raïs. Pour preuve de cette méfiance, les manifestations qui ont réuni quelque 20 000 manifestants à Nassiriya pour dénoncer la réunion des opposants, et dont l’un des slogans était « Non à l’Amérique, non à Saddam ! ».

Selon des sources américaines, la rencontre, qui sera aussi informelle que possible, devrait se tenir à proximité d’une base aérienne et déboucher sur une proposition de mise en place par les Irakiens eux-mêmes d’un organe de décision à compétence nationale. « Du point de vue des forces de la coalition, l’idée d’une autorité intérimaire irakienne n’est encore qu’un concept », indique-t-on cependant de même source, en sous-entendant que beaucoup reste à faire avant qu’une autorité de ce type puisse voir le jour. La rencontre de Nassiriya « aura valeur de test », estime pour sa part Nathan Jones, porte-parole de l’Office de la reconstruction et de l’assistance humanitaire, organisme chargé d’administrer l’Irak dans l’immédiat après-guerre. « Nous utilisons la théorie du grand rassemblement. Nous voulons réunir autant de gens qu’il est possible pour que tous les Irakiens soient représentés et voir ce que nous pouvons faire », ajoute-t-il.


Environ 60 personnalités irakiennes représentant les différentes composantes de la société – les communautés sunnites et chiites, mais aussi les Kurdes ou les partisans de la monarchie renversée en 1958 – sont attendues. Le chef du file du Congrès national irakien, Ahmed Chalabi, a indiqué qu’il enverrait un représentant à la rencontre de Nassiriya. Les Nations unies doivent y dépêcher des « observateurs ». Par contre, le Conseil suprême de la révolution islamique en Iran, principal groupe d’opposition chiite, a fait savoir qu’il ne participerait pas à cette réunion. « Nous refusons de nous placer sous la férule des Etats-Unis ou de tout autre pays, car cela n’est pas dans l’intérêt des Irakiens », a indiqué le numéro deux du Conseil, Abdel Aziz al-Hakim. « On nous a informés que le but de la réunion de Nassiriya était d’examiner la mise en place d’un gouvernement et non pas de le mettre en place. (…) Il faut un gouvernement provisoire irakien et tout ce qui est en-deçà de cette exigence est contraire aux intérêts des Irakiens », a-t-il ajouté. D’autres mouvements d’opposition

Pressions sur la Syrie.

La Syrie demeurait, lundi 14 avril, sous le feu des accusations de la part des Américains et des Britanniques, qui la soupçonnent de détenir des armes chimiques et de donner asile à des dignitaires irakiens ayant fui l’offensive de la coalition. Lundi, le porte-parole de la Maison Blanche, Ari Fleischer, a ajouté sa pierre aux déclarations menaçantes prononcées depuis quelques jours par des responsables américains à l’encontre de Damas. M. Fleischer a ainsi déclaré que « la Syrie est un Etat terroriste » et que ce pays « abrite des terroristes », avant de rappeler que « la Syrie est véritablement un Etat voyou, et cela est spécifié par sa présence sur la liste des nations terroristes établie par le département d’Etat ». Le porte-parole a réitéré les accusations lancées hier par le président américain, George W. Bush, qui a affirmé que la Syrie possédait des armes chimiques. A l’appui de ses affirmations, M. Fleisher a cité un rapport transmis au Congrès par les services de renseignement américains (CIA) couvrant le premier semestre 2002.

De son côté, le secrétaire d’Etat américain, Colin Powell, a affirmé lundi que les Etats-Unis envisageaient des sanctions contre la Syrie en raison de son attitude dans le conflit en Irak. Washington va « examiner de possibles mesures de nature diplomatique, économique ou autre » contre Damas, a déclaré le chef de la diplomatie américaine à la presse. M. Powell a ajouté qu’il « espérait que la Syrie comprendra ses obligations dans le nouvel environnement » provoqué par la chute du régime de Saddam Hussein. Au Commandement central américain, le général Vincent Brooks a, lui, assuré que les Syriens représentaient la majorité des combattants étrangers venus en Irak pour défendre le régime de Saddam Hussein.

Damas a réfuté en bloc ce flot d’accusations. A l’adresse du président américain, le porte-parole du ministère des affaires étrangères syrien a déclaré : « Nous lui disons que la Syrie n’a pas d’armes chimiques et que les seules armes chimiques, biologiques et nucléaires de la région se trouvent en Israël. » « Il n’y a jamais eu de coopération entre Damas et Bagdad », a ajouté le porte-parole, réfutant ainsi des propos tenus le même jour à Koweït par Jack Straw. Au Caire, le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, a qualifié d' »incompréhensibles » les accusations américaines à l’égard de la Syrie. L’Arabie saoudite a convoqué, vendredi 18 avril, à Riyad une réunion des ministres des affaires étrangères des pays voisins de l’Irak. L’ONU a également fait savoir, par voie de communiqué, que « le secrétaire général [Kofi Annan] est inquiet face aux récentes déclarations visant la Syrie, qui ne doivent pas contribuer à une déstabilisation plus importante d’une région déjà lourdement affectée par la guerre en Irak ».


A Londres, le premier ministre britannique, Tony Blair, s’est néanmoins voulu rassurant : « J’ai parlé au président Bachar El-Assad ce week-end et (les Syriens) m’ont assuré qu’ils refuseraient l’accès à toute personne traversant la frontière d’Irak en Syrie », a-t-il déclaré lundi à la Chambre des communes.

L’arrivée des humanitaires retardée.

Le départ pour l’Irak d’une équipe d’employés de l’ONU chargée de l’aide humanitaire a été reporté en raison de la situation toujours instable sur place, a indiqué lundi une porte-parole du coordinateur chargé des questions humanitaires. « Nous devions partir lundi, mais la décision a été reportée en attendant que la situation sécuritaire se précise », a déclaré cette porte-parole, Sonya Dumont, à Chypre, ajoutant que l’équipe composée d’une trentaine de fonctionnaires ne pourrait se rendre en Irak avant mardi au mieux.

Environ 200 employés de l’UNHCI ont été transférés à Chypre après leur évacuation de Bagdad quarante-huit heures avant le début de l’offensive américano-britannique en Irak, le 20 mars. Plus de vingt-quatre agences des Nations unies et des ONG se trouvent sur l’île pour organiser et coordonner l’aide humanitaire au peuple irakien. Il s’agit notamment de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), du Programme alimentaire mondial (PAM), de l’Unicef, du Haut-Commissariat pour les réfugiés et de l’Organisation de l’ONU pour l’agriculture et l’alimentation (FAO). « Nous comptons envoyer 13 employés internationaux dans chaque gouvernorat, pour augmenter ensuite graduellement notre présence dans le Sud et, à partir de lundi, nous établirons aussi une présence dans l’ouest de l’Irak », avait affirmé, samedi, le coordinateur de l’ONU chargé des questions humanitaires, Ramiro Lopes.

« Journée calme sur le front militaire ».

Mardi, le commandement de l’armée irakienne dans la province d’Al-Anbar, qui compte 16 000 hommes et contrôle la région frontalière avec la Syrie, s’est rendu aux forces américaines. L’AFP rapporte ces propos qu’aurait tenus le général irakien Mohamed Jarawi au colonel américain Curtis Potts, après avoir signé la reddition de ses troupes : « Je suis prêt à apporter mon aide. Je vous remercie d’avoir libéré l’Irak et de l’avoir stabilisée. J’espère que nous aurons des relations d’amitié avec les Etats-Unis ». La journée de mardi a été qualifiée de « calme sur le front militaire » par le commandant Rumi Nielson-Green, porte-parole militaire au QG du Commandement central américain au Qatar. « Nous continuons à consolider » la situation, « à dégager des endroits, à trouver des caches d’armes », car « le danger persiste », a-t-elle précisé.

Un responsable américain de l’état-major conjoint avait indiqué lundi que l’état-major avait commencé à réduire le déploiement naval et aérien en Irak, avec notamment le départ de la région de deux porte-avions. Il avait précisé que les forces terrestres – 140 000 soldats américains et britanniques sont actuellement en Irak – allaient devoir s’adapter aux besoins de cette nouvelle phase de « stabilisation ». Actuellement, environ 1 800 soldats déployés en Irak s’occupent de tâches « civiles », comme la remise en état du système d’alimentation en eau ou en électricité, par exemple, a indiqué le capitaine Frank Thorp, porte-parole des forces américaines au Centcom.

« Les opérations majeures de guerre s’achèvent progressivement », avait déclaré, la veille, le général Stanley McChrystal. Le général McChrystal avait également précisé qu’il n’y avait pas d’interruption dans l’arrivée des renforts militaires prévus dans la région, et que la 4e division d’infanterie américaine, comptant quelque 30 000 hommes, était entrée en Irak depuis le Koweït.

Nouvelles victimes.

Trois soldats américains ont été tués et trois autres blessés, dans des circonstances apparemment accidentelles, au cours des dernières vingt-quatre heures, a annoncé, mardi, le Commandement central américain. Deux soldats du 5e corps d’armée ont été tués « dans l’explosion apparemment accidentelle d’une grenade alors qu’ils effectuaient des travaux de maintenance sur un véhicule à un rond-point au sud de Bagdad », lundi à midi. Dans un autre communiqué publié à Camp Virginia, au Koweït, le Centcom ajoute qu’un autre soldat du 5e corps a été tué et un autre blessé lundi matin
par « un tir d’armes apparemment accidentel dans le secteur de l’aéroport international de Bagdad ». « Les soldats ont été évacués sur un centre de traitement médical militaire dans le secteur des opérations. L’état du soldat blessé n’est pas connu pour le moment », poursuit le Centcom. Dans un nouveau bilan rendu public lundi, avant l’annonce des nouveaux tués, le Pentagone avait indiqué qu’au total 118 soldats de l’armée américaine avaient été tués depuis le début de la guerre en Irak, le 20 mars.

[source – lemonde.fr]