La guerre durera « aussi longtemps qu’il faut pour la gagner », a prévenu George W. Bush tandis que les combats se poursuivaient en Irak, où un millier de soldats américains ont été parachutés dans la perspective de l’ouverture prochaine d’un front Nord.
Le président américain, qui donnait une conférence de presse commune avec le Premier ministre britannique Tony Blair, a exhorté jeudi l’Onu à reprendre « immédiatement » le programme « pétrole contre nourriture » interrompu la semaine dernière.
« Ce problème humanitaire urgent ne doit pas être politisé », a-t-il déclaré.
En Irak, la journée a été marquée par l’accélération des manoeuvres augurant de l’ouverture d’un front Nord dans la région placée sous administration kurde après la guerre du Golfe de 1991.
Des journalistes de Reuters ont vu des peshmergas franchir les lignes de front irakiennes près de Chamchamal.
« Nous avons pris les buttes et nos combattants se trouvent à quatre kilomètres à l’intérieur du territoire irakien », a déclaré à Reuters Mam Rostam, un officier supérieur kurde.
Dans la nuit de mercredi à jeudi, un millier de parachutistes de la 173e Brigade aéroportée ont été largués dans la zone autonome kurde. « C’est le début du front Nord », a déclaré un responsable de la défense américaine.
D’après le correspondant de Reuters Jon Hemming, l’aviation américaine a largué huit bombes sur Domiz, localité proche de la ligne de front avec la zone sous contrôle kurde.
A Kalak, autre village situé sur la ligne de front, une puissante explosion a été entendue en début de matinée. Le ballet aérien a été incessant au-dessus d’Arbil, la plus grosse ville de la région.
Des bombardements nourris ont été également signalés sur la route menant à la ville pétrolifère de Kirkouk contrôlée par Bagdad. A Harir, à 70 km d’Arbil, une équipe de Reuters a vu une centaine de parachutistes s’affairer sur une piste d’atterrissage.
BATAILLE ANNONCEE A KARBALA
De l’avis des analystes, le déploiement de l’armée américaine dans le nord de l’Irak ne devrait pas être achevé avant le milieu ou la fin de la semaine prochaine.
Selon une source de la défense britannique, la priorité des forces anglo-américaines est de consolider les lignes kurdes et non pas d’attaquer Bagdad par le nord.
L’armée américaine a d’ores et déjà mis en place un Commandement militaire de coordination et de liaison dans le Nord irakien. Il est dirigé par le général Pete Osman, arrivé dimanche en Irak.
Dans le sud du pays, les forces américaines se préparaient à une confrontation majeure avec la Garde républicaine de Saddam Hussein à Karbala, ville sainte chiite située sur le chemin de Bagdad. Une « bataille-clé » pourrait survenir dans les deux ou trois jours qui viennent, a déclaré un officier américain.
Les combats se sont poursuivis à Bassorah, deuxième ville irakienne où l’armée britannique rencontre une forte résistance.
Les forces britanniques ont annoncé avoir détruit 14 chars et quatre véhicules de transports de troupes irakiens ainsi que la prise de contrôle des stations de télévision et de radio de la ville.
Les bombardements se sont poursuivis toute la nuit et toute la journée dans le centre et la banlieue de Bagdad. Au lendemain des explosions qui ont fait 15 morts sur un marché de la capitale, les forces américaines ont rejeté toute responsabilité, accusant même l’armée irakienne n’avoir peut-être délibérément provoqué cette attaque.
PRISONNIERS EXECUTES
Selon un bilan fourni par les autorités irakiennes, les combats ont fait au moins 350 morts et 3.650 blessés parmi les civils irakiens. Aucun chiffre n’a été communiqué pour l’armée.
Le bilan des victimes américaines et britanniques s’élevait jeudi à 44 tués et 12 disparus.
Tony Blair a accusé Bagdad d’avoir exécuté des prisonniers de guerre britanniques.
« Nous avons vu la réalité du régime de Saddam: ses sbires prêts à tuer leur propre peuple, l’exhibition de prisonniers de guerre et maintenant la publication de ces photos de prisonniers britanniques exécutés », a dit le Premier ministre britannique à Washington.
Le ministère des Affaires étrangères à Nairobi a confirmé par ailleurs que deux hommes présentés par la chaîne d’information télévisée qatarie Al Djazira comme des prisonniers britanniques étaient en fait des chauffeurs civils kenyans employés par le contingent britannique pour conduire des camions de vivres destinés aux captifs irakiens.
Sur le front diplomatique, le ministre français des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, s’est efforcé de dissiper les tensions avec les Etats-Unis et la Grande-Bretagne liées à l’Irak tout en alertant les deux pays sur les risques d’instabilité que libérerait la « boîte de Pandore » d’un recours systématique à la force « préventive ».
Le président égyptien Hosni Moubarak a déclaré qu’il travaillait pour faire cesser la guerre en Irak, mais qu’il était devenu de plus en plus difficile d’imaginer une solution de paix. Son homologue syrien Bachar al Assad a prédit quant à lui que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ne soumettront jamais la totalité de l’Irak en dépit de leur énorme supériorité militaire.
Bagdad a accusé sa voisine la Jordanie de se couvrir de « honte » en permettant aux forces américaines d’utiliser son sol pour lancer des attaques et en empêchant le passage de camions d’aide alimentaire.
Le chef des experts en armements de l’Onu, Hans Blix, a affirmé que les forces américaines n’avaient à ce jour fourni aucune preuve de l’utilisation par l’Irak d’armes prohibées de destruction massive.