Signe avant-coureur de l’ouverture prochaine d’un front au nord, des peshmergas ont franchi jeudi les lignes irakiennes, tandis que les forces anglo-américaines bombardaient des positions irakiennes après le parachutage d’un millier de soldats.
Des journalistes de Reuters ont vu des combattants kurdes franchir les lignes de front irakiennes près de Chamchamal.
« J’ai vu un groupe de combattants peshmergas sur une position d’observation avancée montrer du doigt ses propres forces qui ont pris les collines situées environ un km plus avant », a dit Mike Collett-White.
« Nous avons pris les buttes et nos combattants se trouvent à quatre kilomètres à l’intérieur du territoire irakien », a déclaré à Reuters Mam Rostam, un officier supérieur kurde.
A Harir, dans la zone autonome kurde du Nord de l’Irak, des soldats américains occupés à creuser le sol près de la piste d’atterrissage témoignaient des manoeuvres destinées à ouvrir un nouveau champ d’hostilités dans la guerre visant à renverser la régime de Saddam Hussein.
Un millier de parachutistes de la 173e Brigade aéroportée sont arrivés dans la nuit dans la région.
D’après le correspondant de Reuters Jon Hemming, un appareil américain a largué huit bombes sur Domiz, localité proche de la ligne de front avec la zone sous contrôle kurde.
A Kalak, autre village situé sur la ligne de front, une puissante explosion a été entendue en début de matinée. Le ballet aérien a été incessant toute la nuit au-dessus d’Arbil, la plus grosse ville de la région située à une trentaine de kilomètres de Kalak.
Des bombardements nourris ont été également signalés sur la route menant à la ville pétrolifère de Kirkouk, toujours contrôlée par Bagdad.
A Harir, une équipe de Reuters a vu une centaine de parachutistes, mais des miliciens kurdes ont empêché les journalistes de s’approcher trop près d’eux.
Un soldat a confirmé qu’ils avaient été largués dans la nuit. Prié de donner de plus amples précisions, il a répondu: « Je dois y aller. »
Les soldats étaient occupés à creuser le sol. Deux hélicoptères de transport de troupes se trouvaient sur le tarmac. Harir se trouve à une altitude de 1.500 mètres, à environ 70 km au nord-est d’Arbil.
CHANGEMENT DE STRATEGIE
La zone kurde comprend les trois provinces les plus septentrionales de l’Irak : Dohuk, Arbil et Souleïmaniah. Elle a été déclarée autonome et placée sous la protection de l’aviation anglo-américaine après la guerre du Golfe de 1991, qui avait vu les Kurdes tenter en vain de se soulever contre le régime de Saddam Hussein.
De l’avis des analystes, le déploiement de l’armée américaine dans le nord de l’Irak vise à stabiliser la région, d’où pourrait être lancée une offensive pour prendre le contrôle des champs pétrolifères. Selon eux, les manoeuvres prendront du temps.
« Je ne peux imaginer qu’il y ait un front Nord efficace avant le milieu ou la fin de la semaine prochaine », a estimé Frank Umbach, spécialiste de la sécurité et de la défense au Conseil allemand pour les relations internationales.
Selon une source de la défense britannique, la priorité des forces anglo-américaines est de consolider les lignes kurdes et non pas d’attaquer Bagdad.
Les stratèges américains avaient prévu au départ d’envoyer quelque 60.000 soldats dans le nord de l’Irak via la Turquie. De là, ils auraient pu envisager de marcher sur Bagdad.
Le parlement turc a rejeté ce plan.
Ankara a encore compliqué la tâche de Washington en réclamant le droit d’envoyer ses propres troupes dans le Nord irakien, officiellement pour prévenir un afflux de réfugiés et protéger la minorité turkmène, proche des Turcs.
Les Kurdes irakiens soupçonnent Ankara d’avoir de mauvaises intentions à leur égard. La Turquie, qui a elle-même une large minorité kurde, craint de voir ces derniers revendiquer un Etat souverain.
Mercredi, le chef d’état-major de l’armée turque avait laissé entendre qu’Ankara pourrait coopérer de près avec les Etats-Unis dans le nord de l’Irak.
L’armée américaine a d’ores et déjà mis en place un Commandement militaire de coordination et de liaison dans le Nord irakien. Il est dirigé par le général Pete Osman, arrivé dimanche en Irak.
Ce dernier a déclaré que son rôle était avant tout humanitaire, laissant entendre que les Etats-Unis étaient parfaitement en mesure de faire face, sans l’aide de la Turquie, au problème des réfugiés notamment.
Mais l’arrivée d’un millier de parachutistes dans la nuit de mercredi à jeudi montre que le rôle de l’armée américaine dans la région ne devrait pas se résumer à une mission humanitaire.
[source – yahoo.com]