Les sociétés d’auteurs sont hostiles à la mise en place de mesures de protection pour limiter la copie privée. Et rejoignent en partie le mouvement du logiciel libre, qui s’évertue à démontrer les lacunes de l’avant-projet de loi sur le droit d’auteur.
Les sociétés d’auteurs sont hostiles à la mise en place de mesures de protection pour limiter la copie privée. Et rejoignent en partie le mouvement du logiciel libre, qui s’évertue à démontrer les lacunes de l’avant-projet de loi sur le droit d’auteur.
Plusieurs représentants d’associations de consommateurs et du logiciel libre ont été entendus, le 27 janvier, par les membres de la commission « copie privée » du Conseil supérieur de la propriété intellectuelle et artistique (CSPLA). Il s’agit de UFC-Que Choisir, de l’association Consommation, logement et cadre de vie (CLCV) et du collectif EUCD.info, à l’origine d’un fonds de secours pour la copie privée créé par la Free Software Foundation France (FSF).
Objectif de cette audience: permettre à des organisations non membres d’apporter au CSPLA leur éclairage sur l’avant-projet de loi relatif au droit d’auteur, rédigé par le ministère de la Culture. La commission du CSPLA qui a reçu les trois organisations doit rendre très rapidement un avis sur ce sujet. «Notre intervention devait durer un quart d’heure», raconte à ZDNet Loïc Dachary, fondateur d’EUCD.info. «Mais au total, nous avons discuté plus de deux heures trente». Et de son propre aveu, les échanges furent parfois très vifs.
Au coeur des débats, l’article 14 de l’avant-projet, qui assimile à de la contrefaçon le fait de contourner une protection anticopie placée sur une oeuvre. Ce qui légitimerait les dispositifs utilisés actuellement par les éditeurs et les producteurs sur leurs CD et leurs DVD.
Nécessité de définir les mesures techniques de protection
Depuis un mois, EUCD.info mène une véritable campagne d’information pour expliquer, notamment aux juristes, les conséquences possibles d’une telle disposition. À savoir, restreindre non seulement le droit à la copie privée, mais aussi empêcher la diffusion de certains logiciels, nécessaires à la lecture de certains supports ou formats, interdits de fait parce qu’ils permettraient le contournement d’une mesure de protection.
Pour éviter cela, l’association a présenté une «proposition de précision de la définition des mesures techniques», censées protéger les oeuvres contre les copies. Elle a été rédigée sous l’égide de Michel Vivant, professeur de droit spécialiste du droit d’auteur et de l’avocat Cyril Rojinsky.
Elle affirme qu’un «protocole, format, une méthode de cryptage, de brouillage ou de transformation, ne constitue pas – en tant que tel – une mesure technique au sens de la présente loi». Car, justifient les spécialistes, «si une personne physique ou morale pouvait se prévaloir du régime de protection des mesures techniques sur [les éléments cités ci-dessus], elle exercerait un contrôle sur l’ensemble des programmes informatiques les mettant en oeuvre».
Cette voix a-t-elle une chance d’être entendue au sein du CSPLA? Il semble que plusieurs sociétés de collectes des droits d’auteur soient sensibles à ce discours. Ou à tout le moins, souhaitent marquer leur dissonance avec le discours martelé la semaine dernière au Midem, le salon des professionnels de la musique, par les représentants des producteurs. Pascal Nègre, président de la Société civile des producteurs de phonogrammes et patron d’Universal Music France, avait vivement souligné la nécessité de mettre en place ces protections.
«Le droit de copier est un principe de liberté»
Dès le 20 janvier, l’Adami (Société civile pour l’administration des droits des artistes et musiciens interprètes), par la voix de son directeur général Jean Claude Walter, s’est déclarée «hostile à l’installation sur les appareils d’enregistrement de musique de tout dispositif visant à resteindre la copie privée». «Toute volonté de dégrader la reproduction privée serait condamnable», a-t-il ajouté.
Une position que partage la SACD (Société des auteurs et compositeurs dramatiques). «Le droit de copier est un principe de liberté», affirme son président Laurent Heynemann, dans un édito publié sur le site. «Nous sommes pour la copie privée par pragmatisme et conviction», poursuit-il. Pragmatisme car la SACD affirme que toutes les tentatives pour protéger les supports sont «réduites à néant, tant par la levée de bouclier des internautes, que par la fragilité avérée des clés d’inviolabilité». «Conviction éthique parce que pour nous, l’autorisation de copier, cette exception au droit d’auteur, est appropriée à une idée de la liberté du spectateur», conclut-il.
Ces sociétés ont-elles pu influer sur la décision de la commission copie privée du CSPLA ? Son avis n’a pas encore été rendu public. Quoi qu’il en soit, celui-ci n’est que consultatif, la décision ultime pour la rédaction du projet de loi appartenant au ministre de la Culture, Jean-Jacques Aillagon.
[source – ZDNet.fr]