L’Otan et l’Union européenne suspendues aux lèvres de Blix

L’Union européenne et l’Otan attendent avec fébrilité le rapport des inspecteurs en désarmement de l’Onu, dont la teneur déterminera vendredi si un semblant d’unité peut être préservé dans les deux organisations.

Les ambassadeurs de l’Alliance atlantique ont renoncé jeudi à tenir leur sixième réunion en quatre jours devant l’impossibilité de parvenir à un accord sur l’aide à accorder à la Turquie en cas d’attaque de l’Irak, la France, la Belgique et l’Allemagne refusant toute décision avant vendredi.

Le succès du sommet européen extraordinaire de lundi dépend également de la tonalité du second rapport du chef de la Commission de contrôle, de vérification et d’inspection de l’Onu (Unmovic), Hans Blix, et de Mohammed ElBaradeï, le directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).

« Si Blix dit que la coopération de l’Irak est loin d’être parfaite, mais que les inspections donnent des résultats encourageants, les opposants à la guerre auront marqué des points », estime un diplomate de haut rang.

« S’il dit qu’en dépit de certains progrès, il ne croit plus à la possibilité de désarmer l’Irak, les thèses américaines seront considérablement renforcées », a-t-il ajouté.

Pour l’Otan, qui a déjà du mal à se trouver un rôle après la Guerre Froide, la conclusion d’un accord est pratiquement une question de survie, l’Irak divisant l’Alliance atlantique comme elle l’avait rarement été depuis sa création en 1949.

Certes, les Etats-Unis, après avoir insisté en début de semaine sur l’extrême gravité de la situation, ont adopté un ton un peu plus modéré ces dernières 24 heures.

PRESSIONS AMERICAINES

« Il faut remettre tout cela en perspective », souligne un de leurs diplomates en rappelant que l’Otan avait déjà connu de nombreuses crises, comme celles de Suez, du Kosovo, du Vietnam, de l’installation des missiles de croisière en Europe au début des années 1980 ou de la Bosnie. « J’ai des réticences à dire que ceci est significativement différent. »

En outre, les responsables alliés soulignent que la querelle sur l’aide à la Turquie ne porte pas sur le principe – en cas d’attaque, tous les pays de l’Otan se disent prêts à voler à son secours en cas d’attaque irakienne -, mais sur le « timing ».


Paris, Berlin et Bruxelles estiment qu’il est inutile d’envoyer avant vendredi un « mauvais signal » en entrant dans ce qui est selon eux la « logique du guerre » américaine.

Mais les Américains ne cachent pas qu’ils se désintéresseront de l’Otan s’ils ne changent pas d’avis.

« L’Otan n’est pas un salon où l’on cause, » souligne un responsable allié en évoquant la nécessité d’agir.

Le front des « Trois », qui a tenu bon toute la semaine malgré les énormes pressions américaines sur l’Allemagne, risque de se lézarder après la présentation du rapport de Blix.

Le ministre allemand de la Défense, Peter Struck, a en effet prédit jeudi que l’Otan sortirait rapidement de l’impasse.

« Nous prendrons une décision au sein du Conseil de l’Otan au plus tard samedi, après la réunion du Conseil de sécurité, qui correspond tout à fait aux intérêts de la Turquie », a-t-il expliqué lors d’un débat au Bundestag.

Cette déclaration peut paraître surprenante, dans la mesure où Peter Struck semble annoncer ainsi que, quelle que soit la teneur du rapport des inspecteurs, l’Allemagne acceptera les demandes turques — envoi de batteries de missiles antimissiles Patriot, d’avions de surveillance Awacs et d’unités de lutte contre la guerre chimique et bactériologique.

UNE REUNION « AUDACIEUSE »

L’Allemagne est considérée comme le maillon faible des « Trois », y compris dans son propre camp, et la Belgique pourrait se rallier à la majorité après vendredi.


Si la France ne change pas de position, elle risque de se retrouver seule et les Etats-Unis ont déjà laissé entendre qu’ils pourraient alors se passer de son approbation.

L’Otan, a déclaré au Sénat le général américain Richard Myers, chef de l’état-major interarmes américain, pourrait prendre une décision sur la Turquie « selon un processus qui ne nécessiterait pas un accord politique ».

Au lieu de passer par le Conseil de l’Atlantique Nord, où siègent les 19 ambassadeurs, Washington pourrait utiliser le Comité de planification de défense, que la France a quitté en 1966 en même temps que le commandement intégré de l’Otan.

L’UE, quant à elle, se demande quel type de message pourra être envoyé lors du sommet de lundi après que le Royaume-Uni, l’Espagne, l’Italie, le Danemark et le Portugal eurent envoyé une lettre dans laquelle ils s’alignent sur les Etats-Unis.

Le Premier ministre britannique Tony Blair a exhorté les dirigeants européens à soutenir le vote rapide d’une seconde résolution de l’Onu autorisant le recours à la force si l’Irak ne coopère pas pleinement avec les inspecteurs.

« L’Irak doit remplir pleinement, activement, immédiatement et inconditionnellement ses obligations internationales », peut-on lire dans la lettre qu’il a adressée aux chefs d’Etat et de gouvernement des Quinze avant ce sommet extraordinaire.

Tony Blair y souligne que le président irakien Saddam Hussein « n’a pas saisi la dernière chance » que constituait la résolution 1441 du Conseil de sécurité des Nations unies.

Dans l’autre camp, on compte l’Allemagne, la France, la Belgique, la Finlande, la Suède et l’Autriche, qui comptent sur un rapport relativement positif de Blix pour continuer à suivre la voie diplomatique et des inspections.

« C’est une réunion audacieuse », a résumé un diplomate, selon lequel il n’est pas du tout certain qu’une déclaration commune puisse être adoptée par les Quinze.

[source – yahoo.com]