Le président ivoirien Laurent Gbagbo s’est enfin adressé à ses concitoyens vendredi soir dans un discours télévisé dans lequel il a déclaré qu’il avait accepté l’esprit des accords de Marcoussis comme « base de travail » appelant les Ivoiriens à faire de même.
Des représentants de l’opposition ivoirienne et du principal mouvement rebelle ont pour la part estimé que avait en fait rejeté les accords de Marcoussis. Interrogés vendredi soir peu après le discours du président Gbagbo par la chaîne française d’information en continu LCI, Mohamadou Savané, délégué du Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI), et Ali Coulibaly, porte-parole du Rassemblement des Républicains (RDR, opposition légale) d’Alassane Ouattara, ont affirmé que le chef de l’Etat avait rejeté les accords de Marcoussis.
Selon M. Savané, M. Ggagbo « a tout rejeté. Il ne retient que l’esprit. Il considère les accords de Marcoussis comme des propositions, il accepte la désignation de Seydou Diarra (au poste de Premier ministre) à condition que Seydou Diarra fasse le boulot tel que lui l’entend et non pas tel que les accords de Marcoussis l’ont défini. Il refuse de voir les articles de Marcoussis appliqués en l’état, tel qu’ils ont été convenus par toutes les parties et par les chefs d’Etat (africains). A mon avis, on est retourné à la case de départ. »
De son côté M. Coulibaly a affirmé que « le président Laurent Gbagbo ne veut pas des accords de Marcoussis. Il l’a dit clairement, pour différentes raisons. Il dit : ++Je m’engage à respecter l’esprit de Marcoussis. Marcoussis est une base de travail++. cela veut dire en clair que le président Laurent Gbagbo ne veut pas de ces accords contrairement à ce qui lui a été demandé par la Communauté internationale puisqu’il a été mis sous tutelle de la Communauté internationale. »
Le président ivoirien, Laurent Gbagbo, a indiqué vendredi soir à Abidjan qu’il acceptait l’esprit des accords de Marcoussis comme « base de travail », appelant les Ivoiriens à faire de même, au cours d’un discours télévisé à la Nation. M. Gbagbo a également confirmé la nomination de Seydou Diarra au poste de Premier ministre du futur gouvernement d’union nationale, soulignant que les ministères n’avaient pas encore été attribués. « J’accepte et je m’engage dans l’esprit du texte de Marcoussis, je ne suis pas un tricheur », a déclaré Laurent Gbagbo, appelant ses concitoyens à le suivre sur cette voie.
Censés mettre un terme à près de cinq mois de crise, les accords de Marcoussis ont été signés le 24 janvier par les rebelles et les partis politiques ivoiriens représentés au parlement ainsi que par le principal parti d’opposition, le Rassemblement des républicains (RDR) d’Alassane Ouattara.
Ces accords prévoient notamment l’entrée des rebelles dans un gouvernement d’union nationale. « Essayons, et si ça ne marche pas, nous le verrons bien (…) Essayons ce médicament : s’il nous guérit, c’est tant mieux, s’il ne nous guérit pas, nous essaierons un autre médicament », a ajouté le chef de l’Etat. « Faisons tout pour qu’il nous guérisse et nous sorte de l’état de guerre ». Le président a évoqué sans les nommer des « points de contradiction » dans ces accords, qui constituent selon lui « texte de compromis ». Les « textes de compromis ne sont jamais bons », a-t-il jugé.
« Je vais travailler à l’application des accords de Marcoussis tant que ce n’est pas en contradiction avec l’application de la Constitution », a-t-il dit, soulignant les prérogatives que lui confère le régime présidentiel en Côte d’Ivoire. « C’est à moi, chef d’Etat, d’assumer ce qui a été fait à Marcoussis. A chaque fois qu’il y aura contradiction, j’appliquerai la Constitution. Je suis votre dernier rempart. La dernière signature, c’est toujours moi. Un document que je n’ai pas signé n’est pas valable », a-t-il expliqué, après avoir assuré aux Ivoiriens qu' »il ne les a jamais trahis et ne les trahira jamais » et rappelé à plusieurs reprises sa légitimité acquise par les urnes.
Le chef de l’Etat a également assuré que les forces gouvernementales ne seraient pas désarmées, comme les accords, qui prévoient « le cantonnement et le désarmement des forces en présence », avaient pu le laisser entendre, suscitant la « colère » de ses concitoyens et de l’état-major ivoirien. « Les forces armées de Côte d’Ivoire ne seront pas désarmées », a martelé le président Gbagbo, disant avoir reçu des assurances répétées de la France à ce sujet. « Le gouvernement français m’a assuré que c’était une mauvaise lecture », a-t-il affirmé.
Concernant la nomination de Seydou Diarra au poste de Premier ministre du futur gouvernement d’union nationale, le chef de l’Etat a lancé : « Laissez Seydou Diarra travailler et former un gouvernement ». « Je n’ai pas encore formé de gouvernement. Il n’est donc pas question de dire que tel ministère appartient à untel. Les ministères sont attribués lorsque le président de la République signe le décret nommant le gouvernement », a-t-il dit.
« Je comprends votre colère, parce qu’au moment où les discussions n’étaient pas encore achevées, il était insoutenable de voir les rebelles apparaître à la télévision » pour dire qu’ils obtenaient les ministères de la Défense et de l’Intérieur, a ajouté le président Gbagbo.
Après la signature des accords, le secrétaire général de la rébellion du Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire, Guillaume Soro, avait fait cette annonce, jamais confirmée, ni infirmée officiellement. « C’est ce qui a mis le feu aux poudres ! A partir de ce moment là, tout le monde a cessé de regarder les accords de Marcoussis », a lancé le président Gbagbo, pour justifier les mouvements de colère et la série de manifestations anti-françaises qui ont suivi.
[source – yahoo.com]