Washington s’oppose vivement à Paris et Berlin sur l’Irak

La rhétorique américaine en faveur d’une guerre a plus que jamais tourné à plein régime mercredi, et la ligne de partage avec les alliés de Washington hostiles à une offensive contre l’Irak a été d’autant plus marquée, Jacques Chirac réclamant ainsi un « délai supplémentaire » pour les inspecteurs de l’Onu en armement.

Ainsi le général Richard Myers, plus haut gradé du Pentagone, a assuré sans fournir de preuves que les services de renseignement américains avaient eu vent de tiraillements au sein de la direction irakienne face à la mobilisation américaine. George W. Bush lui-même a averti les militaires irakiens qu’ils seraient poursuivis en tant que criminels de guerre s’ils utilisaient des armes de destruction massive contre des soldats américains ou leurs propres concitoyens.

L’Irak a répliqué aux nouvelles déclarations américaines en affirmant, par la voie de son président Saddam Hussein, que le peuple irakien se dresserait comme un seul homme face à l’envahisseur et que les Américains tomberaient dans une myriade de pièges en cas d’attaque. Le vice-Premier ministre Tarek Aziz a pour sa part totalement exclu que le numéro un irakien puisse accepter l’idée, agitée par certains, d’un départ en exil destiné à faire l’économie d’un conflit.

A quelques jours de la présentation du rapport des inspecteurs de l’Onu le 27 janvier, les Américains ont tenu d’autre part à minimiser l’importance des positions française et allemande, à relever que celles-ci pouvaient encore évoluer dans le sens souhaité par Washington et qu’en tout état de cause, les Etats-Unis disposaient d’autres alliés partisans, eux, d’une guerre contre l’Irak.

Pour le secrétaire d’Etat Colin Powell, le désaccord entre les Etats-Unis et la France sur la question d’une offensive militaire contre l’Irak est un problème passager.

De son côté, le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld a cherché à marginaliser les positions de la France et l’Allemagne, assurant que de « nombreux autres pays d’Europe » – et il pensait entre autres là à des pays d’Europe orientale – soutiendraient Washington en cas de conflit armé avec l’Irak.

Selon lui, l’opposition de la France et de l’Allemagne n’est pas représentative de la « nouvelle Europe » qui inclut des pays de l’ancien bloc soviétique. « Vous voyez l’Europe à travers l’Allemagne et la France. Ce n’est pas mon cas. Je pense qu’il s’agit là de la vieille Europe ».


REUNION A ISTANBUL

Lors d’un entretien commun avec le chancelier allemand Gerhard Schröder, le président Jacques Chirac a estimé mercredi soir qu’un délai supplémentaire de plusieurs mois était nécessaire aux inspecteurs de l’Onu en Irak pour mener à bien le désarmement de l’Irak. Interrogé sur la durée de ce « délai supplémentaire », le chef de l’Etat a répondu que Mohamed ElBaradei, directeur de l’AIEA qui s’est rendu récemment à Bagdad, avait « demandé plusieurs mois ».

Jacques Chirac a souligné que la France et l’Allemagne avaient une communauté de vues sur le dossier irakien.

A en croire des diplomates en poste à l’Onu, l’Allemagne devrait demander aux inspecteurs en armement de l’Onu de remettre à la mi-février un nouveau rapport sur la coopération de Bagdad, alors même que Berlin assumera la présidence tournante du Conseil de sécurité. L’Allemagne devrait également inviter les inspecteurs à Berlin pour des discussions, probablement les 4 et 5 février, ajoutent ces diplomates.

Le nouveau rapport préconisé, qui fera suite à celui que les inspecteurs doivent remettre le 27 janvier, aurait le soutien de la France, continuent-ils. Il pourrait retarder les efforts engagés par les Américains pour s’assurer de soutiens à une offensive contre l’Irak.

Aux Etats-Unis, certaines personnalités du Parti démocrate, comme Tom Daschle (chef de la minorité démocrate au Sénat), Joseph Biden ou Dianne Feinstein, ont précisément appelé George W. Bush à tempérer sa rhétorique de guerre et à ne pas s’engager dans un conflit sans avoir recueilli davantage de soutiens de la part des alliés des Etats-Unis.

A Istanbul, tentant d’éviter une guerre qui pourrait déstabiliser toute la région, les ministres des Affaires étrangères de six pays du Proche et du Moyen-Orient se retrouvent ce jeudi. La réunion des représentants de la diplomatie de la Turquie, de l’Iran, de l’Arabie saoudite, de la Jordanie, de la Syrie et de l’Egypte doit s’ouvrir en fin d’après-midi. On estime dans les milieux diplomatiques que les ministres appelleront à une solution pacifique de la crise et demanderont à l’Irak de se conformer aux exigences de l’Onu sur la question des armes de destruction massive.

[source – yahoo.com]