Le projet de loi pour la confiance dans l’économie numérique doit définir les responsabilités des acteurs du net. Le Forum des droits sur l’internet souhaite une clarification de la définition d »hébergeur » (Seconde édition).
Quelle responsabilité incombe au gestionnaire d’un forum de discussion vis-à-vis des contenus des messages postés par les internautes? La question fut au centre des attentions au printemps dernier, lorsque plusieurs décisions de justice contestées ont condamné des exploitants de forums, sans inquiéter pour autant le véritable auteur des messages incriminés.
Nombreux sont les acteurs du secteur qui espèrent une clarification de la situation grâce au projet de loi « pour la confiance dans l’économie numérique », préparé par la ministre déléguée à l’industrie Nicole Fontaine. Celui-ci sera examiné par les députés à partir du 25 février. Restent que les interprétations des uns et des autres sur ce texte divergent.
Le Forum des droits sur l’Internet (FDI), sorte de conseil d’arbitrage paritaire constitué de juristes, d’usagers et de professionnels, a publié le 6 février une recommandation sur ce projet de loi, en s’attardant plus particulièrement sur les articles 43-8 et 43-9, relatifs à la responsabilité des hébergeurs.
Créer deux catégories d’exploitants de forums
Il tient en préambule à rappeler «qu’il approuve l’économie générale du régime de responsabilité» établi par ces articles. Comme nous l’avons déjà expliqué, selon le texte actuel, les hébergeurs pourront être tenus responsables s’ils n’ont pas coupé l’accès à des données «dès qu’ils ont eu la connaissance effective de leur caractère illicite». «Il s’agit d’une voie acceptable, une forme d’équilibre a été trouvée entre l’exonération totale de responsabilité et une responsabilité trop importante [de ces prestataires techniques]», souligne Isabelle Falque Pierrotin, présidente du conseil d’orientation du FDI.
Le Forum estime néanmoins qu’un «éclaircissement de la qualification d’hébergeur» est nécessaire. La définition de cette activité doit «englober l’ensemble des activités d’intermédiation des personnes exerçant une prestation similaire à celle de l’hébergement, comme par exemple certains fournisseurs et exploitants de forums de discussion», préconise-t-il.
Concrètement, le FDI propose que deux catégories d’exploitants de forums soient distinguées, précise Isabelle Falque Pierrotin. Ceux qui exercent une action éditoriale, visant par exemple à modifier substantiellement ou influencer directement le contenu des messages, devraient se voir appliquer la responsabilité éditoriale, telle que définie dans la loi du 29 juillet 1982 relative à la communication audiovisuelle. Ce principe reviendrait à considérer le prestataire de forum comme un « directeur de publication », qui pourra être poursuivi « comme auteur principal » d’un message illicite.
Le FDI précise que la seule modération des messages visant au respect d’une charte de participation ne doit pas constituer un critère permettant d’engager la responsabilité éditoriale des exploitants. Un groupe de travail travaille actuellement au sein de l’organisme pour justement définir plus clairement ces critères.
Pour les exploitants qui n’exercent aucune modération des messages de leur forum, la responsabilité des hébergeurs, comme décrite actuellement par le projet de loi Fontaine, devrait être la règle, préconise le FDI.
Une question de bon sens
Cette double définition ne sied guère à la ligue Odebi, qui regroupe plusieurs associations françaises d’utilisateurs de services Internet à haut débit. Celle-ci fut à l’origine, au printemps dernier, des «journées sans forums» pour protester contre les condamnations pour diffamation de plusieurs webmasters offrant des espaces de discussions sur leur site. «Jouer le glissement sémantique est de nature à augmenter le flou actuel», soutient Pascal Cohet, porte-parole de la ligue.
Pour lui, tout n’est qu’une question de bon sens: le projet de loi doit s’attacher à définir clairement chaque catégorie d’acteur, et il sera ensuite possible de leur appliquer tel ou tel texte de loi. «La notion de fonction éditoriale est invalide en matière de forums, le seul dont la responsabilité doit être engagée en cas de messages illicites est celui qui en est l’auteur», martèle Pascal Cohet.
Odebi a lancé fin janvier une pétition, soutenue par une grande partie des acteurs associatifs du net, pour demander la suppression des articles 43-8 et 43-9, qu’il juge «liberticides». Et prévient déjà: «si les citoyens ne peuvent plus s’exprimer sur le net, leur mécontentement s’exprimera ailleurs…»
Notons enfin qu’il restera à définir où se situent les fameux « newsgroups » (protocole de réseau appelé Usenet). Le FDI semble avoir fait l’impasse sur ce point, pour préférer encadrer les forums HTML qui prennent place sur des pages web. Usenet est justement un système d’échange qui ne se base sur aucun serveur central; tout est redistribué vers les machines relais. Certains sont modérés, ils devront donc désigner un « directeur de publication ». Pour les autres, il n’existe pas « d’hébergeur » à proprement parler puisque rien n’est centralisé. Beau casse-tête juridique en perspective…
[source – ZDNet.fr]