La nouvelle loi Informatique et libertés a été adoptée définitivement par le Parlement. Ce texte est vertement critiqué par plusieurs collectifs d’associations et par d’anciens dirigeants de la Cnil. L’opposition prépare un recours devant le Conseil constitutionnel.
Six ans de retard dans la transposition d’une directive européenne (*), un projet de loi adopté au beau milieu de l’été… La refonte de la loi Informatique et libertés du 6 janvier 1978 serait presque passée inaperçue. Et pourtant. A peine définitivement adopté par le Sénat , ce texte très attendu sert de cible à un tir groupé d’associations et d’anciens membres de la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés).
« Le projet de loi est à refaire » , écrivent ainsi dans Le Monde daté du 14 juillet 2004 quatre anciens responsables de la Cnil (M mes Louise Cadoux, Cécile Alvergnat, MM. Raymond Forni, Louis Joinet) et deux avocats spécialisés dans le droit de l’Internet et le respect des données personnelles (Sébastien Canevet et Olivier Iteanu). Ils fustigent une série de dispositions non conformes, selon eux, à l’esprit originel de la loi de 1978.
Ainsi, pour fluidifier les activités de la Cnil, un amendement déposé par le sénateur Alex Türk – fraîchement nommé président de la Cnil – dispense de déclaration de fichiers les entreprises, collectivités ou associations ayant nommé un « correspondant à la protection des données » [salarié désigné par son entreprise comme interlocuteur direct avec la Cnil, NDLR] . Or, pour les signataires, « les attributions et les garanties d’indépendance [de ce correspondant, qui n’aura pas le statut de salarié protégé comme un délégué syndical, NDLR] sont entourées d’un flou juridique inquiétant ».
Les associations dénoncent une dérive
Autre point de discorde, la possibilité pour les personnes morales (entreprises, associations…) victimes d’infractions de constituer, après assentiment de la Cnil, des fichiers d’infractions. Une disposition qui semble taillée sur mesure pour les sociétés d’auteurs lancées à la poursuite des pirates du peer-to-peer.
Le collectif d’associations Delis, la Ligue des droits de l’homme (LDH), et l’association Iris (Imaginons un Internet solidaire) dénoncent dans cette évolution juridique, la « constitution de véritables casiers judiciaires privés » .
Par ailleurs, la constitution de fichiers touchant à la sécurité publique, à la défense ou à la sûreté de l’Etat, ne sera plus conditionnée à l’aval de la Cnil. La FIL (Fédération informatiques et libertés) voit dans cette mesure la « libéralisation d’un fichage généralisé, couvrant les dérives » hors-la-loi » des fichiers policiers ».
Enfin, le collectif Delis, pour sa part,reproche au législateur d’avoir déplacé le curseur du cadre légal bien au-delà de ce que prévoyait la directive européenne de 1995. Il déplore que les données génétiques et biométriques n’aient pas été comprises dans la liste des données sensibles.
Sur tous ces points, Delis, la LDH et Iris se réservent la possibilité d’une plainte auprès de la Commission européenne, en vue d’un recours contre la France devant la Cour de justice des Communautés européennes, pour infraction à la législation communautaire. De leur côté, les groupes de l’opposition parlementaire socialiste et communiste déposeront dès la semaine prochaine un recours devant le Conseil constitutionnel.
(*) Directive européenne du 24 octobre 1995 sur la protection des données personnelles.
[source – 01net.com] Philippe Crouzillacq