Après examen par les commissions mixtes paritaires, les problèmes les plus sensibles ont été réglés. Mais de nombreux domaines provoquent encore la colère des internautes et des acteurs du secteur
Après moult débats enflammés, interventions du gouvernement, pression des associations et réunions de travail, le Parlement a définitivement adopté ce 13 mai la loi sur la confiance dans l’Economie numérique (LEN). Ce texte se présente comme la loi fondamentale de l’Internet français.
Transposition de la directive européenne de 2000 sur le commerce électronique, le texte, en navette depuis janvier 2003 (la rapidité du processus législatif français est exemplaire…), a été soutenu par la majorité parlementaire. Le PS et le PC ont voté contre.
Le Sénat a entériné à son tour le 13 mai ce texte qui est alors définitivement adopté par le Parlement.
La LEN aborde un éventail très large de domaines allant du ‘spam’ à la responsabilité des hébergeurs en passant par les délits de presse, les zones blanches de téléphonie mobile ou encore le commerce électronique.
Dans ce grand fourre-tout, certaines dispositions ont fait l’unanimité, d’autres ont provoqué et provoquent encore la grogne des associations et des internautes. Commençons par les dispositions relativement consensuelles.
-Spam
L’envoi de messages à caractère commercial par mail, fax ou téléphone à des personnes physiques sera interdit sans leur « consentement préalable ». Le dispositif adopté prévoit en outre que les détenteurs des fichiers commerciaux déjà constitués disposeront d’un délai de six mois, à partir de la publication de la loi, pour solliciter le consentement des consommateurs par courrier électronique. Ce consentement devra être exprimé explicitement, le silence des consommateurs valant refus.
-Commerce électronique
La loi étend la responsabilité des vendeurs par Internet en adoptant un amendement qui les engage par rapport au client quels que soient les acteurs qu’ils mettent en oeuvre, notamment pour la livraison de produits.
-Les collectivités locales pourront devenir opérateurs
Pour résoudre le problème des zones blanches non couvertes par les réseaux de télécommunications, les collectivités locales seront autorisées à se substituer aux opérateurs privés dans les secteurs isolés.
Par ailleurs, ces collectivités pourront également déployer des réseaux pour l’Internet à haut débit. Surtout, elles pourront le faire sans être en « cohérence avec les réseaux accessibles au public », comme prévu au départ.
En clair, les collectivités pourront se passer de France Télécom qui avait tout fait pour devenir incontournable dans l’exploitation de réseaux haut débit en région par exemple.
Mais la LEN intègre certains amendements qui provoquent de forts grincements de dents malgré leurs refontes lors de commissions mixtes paritaires entre députés et sénateurs.
-La responsabilité des hébergeurs et des FAI
Dans un premier temps, les députés avaient décidé d’obliger les hébergeurs à contrôler en amont les sites pour éviter la diffusion de données illégales (racistes ou pédophiles par exemple). Cet amendement, qui instaure une censure de fait avait été dénoncé comme liberticide. FAI et associations ont tout fait pour faire plier le gouvernement en arguant que ce rôle de surveillance ne leur incombait pas et sur l’impossibilité de tout surveiller.
Cette disposition a été supprimée par les sénateurs, mais rétablie en partie le 27 avril dernier en commission mixte paritaire. Députés et sénateurs de la majorité se sont accordés pour substituer à l’obligation de moyens imposée par le texte de l’Assemblée une obligation de résultats.
Désormais, hébergeurs et fournisseurs d’accès auront l’obligation de concourir à la lutte contre la diffusion, notamment en matière de pédophilie, d’incitation à la haine raciale et d’apologie de crimes contre l’humanité. Ils devront informer « promptement » les autorités de toutes activités illicites qui leur seraient signalées. Ils devront aussi rendre publics tous les moyens qu’ils consacrent à lutter contre ces activités.
Cet article renforce la responsabilité des hébergeurs de sites Internet mais ne les oblige pas à la surveillance comme le prévoyait le texte initial. Cependant, l’opposition et les associations estiment que cet article laisse le soin aux hébergeurs et fournisseurs « de déterminer ce qui est licite ou illicite ».
Cet amendement a par ailleurs été soutenu par les Maisons de disque qui espèrent responsabiliser les FAI sur le problème du peer-to-peer qui entre dans la catégorie des sites illégaux. Pression que refusent les fournisseurs qui, il est vrai, se contentent de fournir des « tuyaux ».
Le champ d’application de la loi de 1881 sur la liberté de la presse
Fortement contesté par l’opposition et de nombreuses associations, cet amendement exclut du champ d’application de la loi de 1881 sur la liberté de la presse les publications sur Internet.
Alors que la loi de 1881 prescrit les délits de presse à l’issue d’un délai de trois mois à compter de la première publication, l’amendement sénatorial prévoit que les personnes s’estimant diffamées ou injuriées par un texte mis directement en ligne – qui n’a pas été publié au préalable sur papier – pourront engager des poursuites dans un délai de trois mois à compter de la date du retrait de l’article incriminé du Net et non de la date de publication.
Le Syndicat de la presse parisienne (SPP) et le groupement des éditeurs de services en ligne (GESTE) réclament le retrait de cette mesure qui, affirment-ils, « créerait une insécurité juridique permanente de nature à nuire gravement à l’exercice de la liberté éditoriale ».
Sur ces deux points d’achoppement (la loi de 1881 et la responsabilité des FAI), le groupe socialiste a annoncé qu’il déposerait un recours auprès du Conseil constitutionnel.
[source – Silicon.fr] Olivier Chicheportiche