Le CSM hostile à tout code de déontologie pour les juges

Le Conseil supérieur de la magistrature souhaite un recrutement plus rigoureux des magistrats

Pas de code de déontologie pour les juges. Telle est la position du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), qui, dans un long avis daté du 2 octobre, apporte sa « contribution à la réflexion sur la déontologie des magistrats ». En refusant un code fixant une liste de devoirs, comme il en existe désormais dans la police, le CSM entend s’affirmer comme la seule autorité légitime pour apprécier le comportement des juges. A ses yeux, la commission d’éthique nommée par le garde des sceaux Dominique Perben doit disparaître dès qu’elle aura rendu son rapport, dans un mois.

Le CSM suggère ainsi que tous les magistrats puissent le saisir, pour avis, quand ils rencontrent des difficultés d’ordre déontologique. Au fil des années, les décisions disciplinaires du CSM ont défini précisément ce qu’étaient les manquements aux obligations des juges, en matière professionnelle comme au regard des « débordements de la vie privée ». L’avis propose que soient renforcées la formation éthique et les garanties entourant le recrutement des magistrats. Chargé des nominations, le CSM souhaite aussi que le dossier personnel des magistrats ne soit plus conservé dans les seules mains du ministre. Il demande que les chefs de cour soient évalués, et deviennent plus actifs dans la détection des problèmes individuels. Il réclame de pouvoir saisir l’inspection générale des services judiciaires, prérogative exclusive du garde des sceaux, et d’être destinataire de ces rapports. Rendu public, le rapport concernant le procureur de Nice Eric de Montgolfier n’a, par exemple, pas été transmis au CSM. Enfin, celui-ci estime « indispensable la mise en place d’une procédure de traitement systématique des réclamations des justiciables ».

Adressé au président de la République (qui préside aussi le CSM) et au ministre de la justice en fin de semaine dernière, transmis mardi 7 octobre à la commission d’éthique présidée par Jean Cabannes, cet avis n’allait pas de soi. Traiter de l’éthique des juges semble bien relever, a priori, des prérogatives naturelles du CSM. Mais le corps judiciaire a longtemps été réticent à s’emparer de ces questions. En prenant l’initiative, en mai, de créer une commission d’éthique, le pouvoir politique l’a pris de court, et lui a fait craindre que la déontologie soit utilisée à des fins de reprise en main.

La commission d’éthique a étécréée par M. Perben deux semaines après l’interpellation, dans le cadre d’un réseau d’amateurs d’images pédophiles, de Michel Joubrel, substitut général à la cour d’appel de Versailles et ancien président de l’Union syndicale des magistrats. Cette mise en cause intervenait après celle du vice-président du tribunal de Nîmes, Hugues Vérita, impliqué dans des affaires financières, et celle du premier substitut de Bobigny, Jean-Louis Voirain. Ce dernier, toujours bien noté par sa hiérarchie, avait été incarcéré pour trafic d’influence le 11 février. Il devait être libéré cette semaine.

OBLIGATION DE « VIGILANCE »

Cette actualité récente »ne saurait être interprétée comme fournissant l’indice ou justifiant le soupçon d’une généralisation des manquements des magistrats aux principes déontologiques qui leur sont applicables », pose le CSM. Mais « elle a mis en évidence certaines défaillances de l’institution judiciaire dans la prévention, la détection et le traitement des comportements à risques et des insuffisances professionnelles ». Depuis 1990, moins d’une centaine de cas (pour 7 000 magistrats) ont été traités au disciplinaire par le CSM après sa saisine par le ministre. A la culture de l’étouffement doit se substituer une obligation de « vigilance » et de « transparence », plaide le CSM.

Parmi les sujets qui fâchent, le CSM aborde les voies d’accès externes au corps judiciaire. L’avis ne le précise pas, mais elles fournissent un tiers des effectifs de la magistrature, et plus de la moitié du contentieux disciplinaire. Le CSM relève que « la qualité des renseignements de personnalité recueillis sur les postulants pourrait être améliorée, notamment par le versement au dossier des éléments résultant de la consultation du fichier STIC -Système de traitement des infractions constatées- et du bulletin n°1 du casier judiciaire ». Un « stage probatoire en juridiction » devrait aussi être rendu obligatoire.

[source – lemonde.fr] Nathalie Guibert