Reconnu coupable d’avoir violé un brevet propre au fonctionnement des plug-ins, Microsoft envisage de mettre à jour son navigateur Internet Explorer pour se mettre en conformité avec la loi. La nouvelle version du navigateur, majoritairement utilisée sur le Net, imposera une refonte des pages Web diffusant des fichiers multimédias.
Payer ou modifier. Telle devrait être l’alternative à laquelle sera probablement confrontée Microsoft à l’issue d’un procès que lui a intenté la société Eolas. Cette start-up, émanation commerciale de l’université de Californie, dispose d’un brevet américain (US Patent 5,838,906) lequel décrit une « méthode de distribution hypermédia pour invoquer une application externe permettant d’interagir et d’afficher des objets intégrés dans des documents hypermédia ». Autrement dit, le brevet concerne les plug-ins et autres modules applicatifs (applets ou ActiveX) qui permettent aux navigateurs de télécharger et lire des fichiers multimédias comme de la musique et de la vidéo, notamment, enrichissant ainsi leurs fonctions de base. C’est pour avoir violé ce brevet que Microsoft a été condamné cet été à payer une amende de plus de 520 millions de dollars.
Commencer à réfléchir à une série d’options techniques libres
Si l’éditeur attend une injonction, à laquelle il fera probablement appel avant de payer, il semble ne pas douter de l’issue du procès. En effet, jeudi 28 août 2003, le père de Windows a envoyé au W3C, le consortium chargé des standards de l’Internet, une lettre dans laquelle il envisage de modifier les fonctionnalités de son navigateur Internet Explorer afin de se mettre en conformité avec le jugement. Une décision qui pourrait, si ce n’est changer la face du Web, au moins avoir des conséquences sur un grand nombre de sites qui utilisent des modules externes pour exploiter des données multimédias. Le W3C lui-même invite ses membres à réfléchir à une parade au brevet. « Le W3C pense qu’il est important pour la communauté du Web de commencer à réfléchir et à contribuer à une série d’options techniques libres [de tout brevet] », lit-on sur le site du consortium (encore faut-il connaître tous les brevets sur le sujet). Car le brevet d’Eolas ne s’applique pas exclusivement à IE mais à tous les fureteurs qui exploitent des plug-ins. C’est le cas d’Opera ou de Mozilla, notamment. De toute façon, IE étant utilisé par plus de 90 % des internautes, les modifications qu’apporterait son éditeur auraient forcément des conséquences sur nombre de sites Web (dont les concepteurs sont souvent plus enclins à suivre les spécifications édifiées par Microsoft que les recommandations du W3C) mais aussi sur les éditeurs HTML qui risquent alors de devenir obsolètes.
On peut évidemment s’interroger sur la validité du brevet (qui, s’il décrit le principe d’une application visant à consulter des données distantes, ne délivre aucune information technologique sur cette application) et, comme le suggère nombre de défenseurs du logiciel libre, remarquer que le principe d’un module externe venant enrichir une application ne date pas de novembre 1998, date de dépôt du brevet d’Eolas. On peut spéculer sur le fait que Microsoft finira par acheter une licence à Eolas (encore faut-il qu’Eolas ait une vraie politique commerciale, ce qui ne transparaît pas forcément sur leur site), lui permettant ainsi d’exploiter légalement les plug-ins. Mais ce ne serait pas forcément rendre service au reste de la communauté Internet puisque les sites qui mettent en ligne des documents multimédias, pourraient également être concernés par le brevet litigieux. A l’opposé, les éditeurs de sites Web devront mettre à jour leurs pages en fonction des nouvelles spécificités techniques qu’envisage Microsoft pour IE. Avec les risques de cafouillage inhérents à ce type de changement technologique…
[source – vnunet.fr] Christophe Lagane