Atteintes aux libertés individuelles, répression aveugle « à la mitrailleuse »: la croisade de l’industrie américaine du disque contre le piratage de musique en ligne croule sous les critiques.
Six semaines après l’amorce de sa phase la plus dure, bien maladroit qui prédirait une concrétisation rapide de la vaste entreprise. Celle-ci vise désormais à épingler les usagers eux-mêmes – pour la plupart lycéens, étudiants ou jeunes actifs trentenaires -, qui téléchargent des chansons aussi facilement qu’ils actionnent une console de jeux.
Dans la loi de 1998 sur la protection de la propriété intellectuelle à l’ère du numérique – le Digital Millenium Copyright Act, DMCA -, une clause très controversée autorise les éditeurs à assigner les fournisseurs d’accès à internet pour obtenir l’identité des présumés fautifs.
Depuis le 26 juin, la RIAA, l’association américaine de l’industrie du disque, bras armée des « majors » (Universal, Sony, BMG, EMI, Warner) aurait déjà envoyé plus d’un millier d’assignations, selon plusieurs sources. L’objectif est ensuite de déposer plainte nommément contre les abonnés adeptes de l’échange de fichiers sur les réseaux P2P (peer-to-peer, de pair à pair), comme KazAa, un des plus célèbres parmi les successeurs du défunt Napster.
La RIAA refuse de confirmer le nombre d’envois. Elle répète qu’elle « cible les gens qui fournissent ou distribuent des fichiers à partir de leur ordinateur ». Et assure, toujours par la voix de son porte-parole Jonathan Lamy, que « virtuellement tous les fournisseurs d’accès obtempèrent » aux demandes de renseignements.
Tous ? Ce serait oublier le groupe de télécoms SBC Communications, qui a riposté à une rafale d’assignations en déposant plainte le 30 juillet en Californie contre l’association.
Outre les aspects selon lui « anticonstitutionnels » du DMCA, l’opérateur téléphonique reproche à la RIAA de s’appuyer sur une loi dépassée. Elle a en effet été votée avant l’apparition du haut débit, qui bouleverse complètement la donne aujourd’hui en créant de véritables autoroutes pour la circulation des fichiers audio et vidéo.
Le débat a pris une tournure politique ce mois-ci après l’intervention d’un sénateur républicain, Norm Coleman (Minnesota), inquiet de l' »approche à la mitrailleuse », pour ne pas dire au bazooka, qu’a adoptée l’industrie du disque.
« Les assignations de la RIAA ont pris au piège des grands-parents dont les petits-enfants utilisent l’ordinateur, des personnes partageant leur PC avec leur colocataire », ainsi que de prestigieuses universités, souligne Norm Coleman.
Le sénateur a demandé par courrier au tout nouveau patron de la RIAA, Mitch Bainwol, de décrire précisément comment il en arrive à soupçonner la distribution illégale de fichiers musicaux, et aussi comment il compte affiner le tir pour éviter de « causer du tort à des gens innocents ».
Moins anecdotique que le plaidoyer de Michael Jackson – que la perspective d’emprisonner des adolescents « laisse sans voix » -, une étude a vraisemblablement fait grand bruit cette semaine dans les bureaux des « majors », qui multiplient les offres en ligne payantes pour tenter de sauver les meubles.
Aujourd’hui 67% des internautes qui téléchargent disent qu’ils se moquent de savoir si la musique téléchargée est protégée par des droits d’auteur », alors qu’ils n’étaient que 61% en 2000, selon cette étude de l’institut de recherche spécialisé Pew Internet and American Life Project.
Depuis deux ans, la population de « téléchargeurs » est passée de 30 à 35 millions de personnes aux Etats-Unis, ajoute Pew.
[source – yahoo.com] (AFP)