Les fraudeurs du logiciel n’ont qu’à bien se tenir : l’Adapi veille

Association loi 1901, l’Adapi traque pour le compte d’éditeurs de logiciels, les entreprises qui ne paient pas leurs licences. Anciens militaires ou policiers, ses agents assermentés utiliseraient parfois des méthodes « contestables ».

«Nous nous sommes donnés pour mission de faire baisser le taux de piratage de logiciels en France», déclare à ZDNet Robert Casanovas, président et cofondateur de l’Agence des droits d’auteurs et de la propriété intellectuelle (Adapi). Son activité consiste à identifier les entreprises qui ne sont pas en règle avec leurs logiciels. Elle est aujourd’hui mise en cause par certaines des sociétés qu’elle visite: sont contestées ses façons de procéder parfois intimidantes.

Pour mener à bien sa mission, l’Adapi a recruté des policiers et des gendarmes à la retraite. Ces membres actifs de l’association sont «assermentés par le ministère de la Culture» pour dresser des procès-verbaux. Ils quadrillent la France afin de vérifier si les entreprises ont leurs licences logicielles en règle. Une activité assurée pour le compte de 14 éditeurs de logiciels, parmi lesquels Microsoft, Adobe ou Symantec.

«Nous disposons actuellement d’un quinzaine d’agents. Une trentaine de nouveaux devraient être bientôt assermentés par le ministère de la Culture», poursuit le président de l’Adapi. Les contrôles se préparent de la manière suivante: par binômes, les agents de l’Adapi se voient confier un périmètre géographique, par exemple une rue. «Ils y visitent systématiquement toutes les entreprises qui y ont élu domicile, du boulanger à la PME», explique Casanovas. Ils peuvent également effectuer un contrôle sur la base d’une dénonciation, comme «cela arrive de plus en plus», précise le responsable.

500000 euros de recettes en 2001

Les agents n’ayant pas de droit de perquisition, les visites se font donc avec l’accord de la direction de l’entreprise. Mais certains contrôles sont refusés (4% en 2002 selon l’Adapi). «Nous dressons alors un PV que nous transmettons au parquet, qui décide s’il y a poursuite ou non», poursuit le responsable. Mais cela reste donc marginal. Dans la majorité des cas, les entreprises obtempèrent. L’Adapi a ainsi effectuée 1568 contrôles en 2002.

Durant le contrôle, les agents répertorient tous les logiciels installés dans l’entreprise, du moins ceux commercialisés par les éditeurs membres de l’association. Dans 39% des cas, les licences sont en règles, ou en passe d’être régularisées dans un délai imparti de 15 jours, explique l’Adapi. Pour 2% des entreprises visitées, les dossiers sont classés car elles disparaissent (dépôt de bilan). Lorsque des irrégularités sont constatées et que l’entreprise ne veut pas obtempérer (27% des cas), la procédure passe alors entre les mains du parquet.


Enfin, dans 28% des cas, il y a irrégularité mais l’entreprise s’arrange à l’amiable avec l’Adapi. Dans le cadre de cette dernière possibilité, dite « transaction », l’entreprise s’engage à acheter les licences requises ou à désinstaller les logiciels en cause dans un délai de 30 jours. Au passage, l’Adapi encaisse une « indemnité transactionnelle » de 550 euros, qui constitue la principale ressource de l’association. Les cotisations des éditeurs étant «symboliques», selon le dirigeant de l’Adapi. Et cela semble bien marcher: en 2001, l’association affiche 500000 euros de recettes.

Des méthodes contestées

Ce type d’association n’est pas sans rappeler le consortium BSA (Business Software Alliance), regroupant les principaux éditeurs mondiaux, qui a également recours à des agents assermentés et réalise des contrôles similaires. D’ailleurs, le dirigeant de l’Adapi indique être «en contact» avec BSA. «Mais nous demeurons une association indépendante», martèle son président. Attaquée souvent pour ses méthodes d’intimidation, BSA n’est pas en odeur de sainteté partout où elle cherche à s’implanter. En Belgique elle a même été interdite…

L’Adapi est indépendante mais pas seule en France, puisqu’elle est en « concurrence » avec l’Agence pour la protection des programmes (APP), qui ne semble pas travailler de la même façon. «Nous ne cautionnons pas du tout les méthodes de l’Adapi», nous a ainsi déclaré Daniel Duthil, responsable de l’APP et de la société d’édition juridique Celog. L’Adapi ferait-elle parfois des contrôles un peu trop musclés? «Les gars ont peut-être parfois une manière très ferme de se présenter. Mais rien de plus. Nous donnons des consignes pour que le contrôle reste courtois», assure le président de l’Adapi.

Ce n’est pas l’avis de Sylvain Pontier, avocat au barreau de Marseille, dont plusieurs clients ont eu affaire aux agents de l’Adapi. «De toutes les associations de ce type, l’Adapi a les méthodes les plus contestables», nous a déclaré l’avocat. Il rapporte notamment que l’Adapi aurait quelque peu forcé la main de certains de ses clients; par exemple, en les prenant de vitesse et en ne leur laissant pas le temps de se renseigner sur leurs activités.

«Ces manoeuvres ne sont pas illégales, mais elles se trouvent toujours à la limite de ce qui est tolérable», explique Sylvain Pontier sur son site, où il critique ce type d’association. «Je conseille de ne pas ouvrir la porte à ces agents et de s’en remettre au parquet», nous a-t-il déclaré. «Les entrepreneurs ont tout à fait de droit de refuser l’accès à leurs ordinateurs.»

[source – ZDNet.fr]