La Turquie et la Pologne se disputent le premier rôle au sommet européen de Copenhague, où va se jouer la paix à Chypre et le financement de l’élargissement de l’Union européenne à 10 pays.
Les dirigeants européens se réunissent ce jeudi à partir de 19h00 dans une capitale danoise qui est depuis mercredi le théâtre d’un ballet diplomatique inédit mêlant les Quinze, les Etats-Unis, les pays candidats à l’adhésion et l’Onu.
Dans une lettre à ses homologues de l’UE, le Premier ministre danois Anders Fogh Rasmussen, qui présidera le sommet, a émis l’espoir que les pourparlers se termineraient comme prévu vendredi soir, mais s’est dit prêt à jouer les prolongations.
Les chefs d’Etat et de gouvernement des Quinze fixeront leurs limites dès le dîner de jeudi, ont déclaré des diplomates.
Ils diront que la proposition présentée par la présidence danoise pour le financement de l’élargissement à dix pays candidats le 1er mai 2004 – 40,5 milliards d’euros de 2004 à 2006 – représente le maximum de l’effort qui peut être consenti.
Ils se prononceront en faveur de la proposition franco-allemande sur la Turquie, qui prévoit un rendez-vous fin 2004 pour faire le bilan des réformes politiques adoptées par le nouveau gouvernement turc et, si le jugement est positif, l’ouverture de négociations d’adhésion le 1er juillet 2005.
Mais Ankara et Varsovie ont sèchement rejeté les offres européennes, jugées totalement insuffisantes.
Utilisant à fond sa situation géopolitique dans la perspective d’une guerre contre l’Irak et son poids décisif dans la conclusion d’un règlement de paix à Chypre, la Turquie veut obtenir l’ouverture des négociations d’adhésion dès 2003.
INTERFERENCES AMERICAINES
Elle dispose pour cela de puissants alliés.
Les Etats-Unis ont appuyé la revendication turque lors d’une rencontre, mardi à Washington, entre George W. Bush et le véritable homme fort de la Turquie, Recep Tayyip Erdogan, le dirigeant du Parti de la Justice et du développement (AKP), grand vainqueur des élections du trois novembre dernier.
George W. Bush a même téléphoné mercredi à son homologue français Jacques Chirac pour marteler le message.
Cette interférence américaine a été mal accueillie dans l’UE, même si quelques pays, dont le Royaume-Uni, sont prêts à donner à la Turquie les engagements qu’elle veut obtenir.
« Il n’appartient certainement pas au président des Etats-Unis d’interférer sur une chose aussi importante et qui concerne essentiellement les Européens », a déclaré jeudi sur RMC la ministre déléguée à l’Industrie, Nicole Fontaine.
Pour la grande majorité des Européens, Ankara doit d’abord démontrer sa volonté de mettre en oeuvre les réformes politiques et ses engagements de mieux respecter des droits de l’Homme, qui restent largement à l’état de promesses.
En outre, ils refusent de mêler le dossier turc au processus de ratification des traités d’adhésion des 10 pays qui feront leur entrée dans l’Union européenne le 1er mai 2004, sous peine de voir les opinions se rebiffer contre l’élargissement.
Le gouvernement turc entend toutefois jouer crânement sa chance grâce au levier que constitue Chypre, jouant sur la volonté des Européens que l’île, divisée depuis 1974, soit réunifiée lors de son intégration à l’Union européenne en 2004.
REVENDICATIONS POLONAISES
« Nous nous battrons jusqu’à la dernière seconde à Copenhague pour obtenir une date ferme avant la fin de 2003 pour l’ouverture des négociations », a déclaré Erdogan dans une interview publiée jeudi par le quotidien allemand Suddeutsche Zeitung en faisant un lien « indubitable » avec Chypre.
L’UE et l’Onu espèrent que les dirigeants chypriotes grec et turc accepteront à Copenhague le règlement de paix proposé par les Nations unies, même si le dirigeant de la communauté turque de l’île, Rauf Denktash, a estimé qu’il fallait plus de temps.
Un ballet diplomatique impressionnant aura lieu à Copenhague pour tenter de trouver un compromis sur ces dossiers.
L’envoyé spécial des Etats-Unis pour Chypre, Thomas Weston, est présent dans la capitale danoise, de même le représentant de l’Onu, Alvaro de Soto, qui entend faire la navette entre les délégations des deux communautés de l’île – le président chypriote grec Glafko Clerides et le ministre des Affaires étrangères chypriote turc Tahsin Ertugruloglu.
Jacques Chirac et Gerhard Schröder rencontreront quant à eux vendredi le nouveau Premier ministre turc, Abdullah Gül, pour lui vanter les avantages de l’offre franco-allemande.
Une autre négociation, tout aussi importante, aura lieu parallèlement avec les 10 pays candidats sur les conditions financières de leur intégration dans l’Union.
Si huit pays ont déjà accepté – ou sont prêts à le faire – l’offre communautaire, Malte et, surtout la Pologne, font monter les enchères en exigeant un meilleur traitement.
Le ministre polonais de l’Agriculture, Jaroslaw Kalinovski, chef de file du puissant Parti paysan membre de la coalition au pouvoir, a fustigé mercredi la brutalité des méthodes utilisées, selon lui, par l’Union européenne durant les négociations.
« On ne peut qualifier les récentes relations entre la Pologne et l’UE de négociations. Je pense que la Commission européenne essaie de contraindre la Pologne à se soumettre totalement à ses demandes et même de la faire capituler », a-t-il déploré.
Pourtant, la Commission, tout comme la Pologne, estime qu’il existe une marge de 2,1 milliards d’euros entre l’offre communautaire – 40,5 milliards – et le plafond fixé à Berlin en 1999 pour les dépenses d’élargissement – 42,6 milliards.
Ces montants, estime la Pologne, doivent être utilisés pour augmenter les aides directes, les quotas de production et des ristournes budgétaires afin de satisfaire ses revendications.
[source – yahoo.com]