Exclusivité, HP et Linux : ‘SCO ou pas, nous fonçons!’

Judy Charvis, directrice des ‘Alliances OS’ chez HP corp. à Houston, en visite à Paris ce 19 juin, commente pour Silicon.fr son credo Linux.

Quelle est la réalité de l’engagement de HP sur Linux? HP-UX est certainement plus juteux que Linux?…

«C’est vous qui le dites… Peut-être que revendeurs et intégrateurs freinent… Mais on n’a plus le choix: ce sont les clients qui demandent. C’est le marché qui tire les plates-formes IA 32 d’Intel, avec Linux dessus. C’est pour cela que depuis 4 ans, nous avons commencé le support de Linux sur les serveurs ProLiant.»

Quelles ont été et quelles sont les phases d’introduction de Linux chez HP ?

«Dans l’ordre, je viens de le dire, Linux est apparu sur les plates-formes Intel 32 bits. Puis sur les stations de travail haut de gamme. Puis, récemment, sur l’Itanium 64 bits d’Intel et quasiment en même temps, sur les systèmes de stockage de données.»

Et les postes « clients », PC… ?

«Oui, c’est l’étape la plus récente, actuelle. Mais ce n’est pas stratégique car n’oubliez pas l’un des avantages de Linux: on peut faire tourner à peu près tout dessus.»

Et des exemples de développements majeurs sous Linux?

«Oui, j’oubliais aussi OpenView : notre célèbre système de supervision avec sa centaine de modules système et réseau: il fonctionne désormais sous Linux.

De même, souvenez-vous l’annonce de nos « serveurs lames » (blade servers, serveurs modulaires en mini-racks). Dès leur lancement, ils sont sortis sous Linux et sous Windows.

Les implémentations de Linux touchent à peu près tout: les webservers, les DNS, les serveurs d’applications et d’impression, les ‘proxys’, les passerelles, les fire-walls, les clusters…»

Il existe bien un programme Open Source /Linux ou projet chez HP ?

«Oui, disons un projet Open Source, depuis deux ans. On y trouve, par exemple, l’Open SSI cluster (Single system image) qui vise des architectures en grappes sans interruption (‘non stop clusters’). Toutes les Bourses du monde en sont équipées -toutes sauf une, soyons justes, une qui a préféré Sun Solari…

Les avancées sur ce projet Open Source de HP sont consultables sur un portail : http://www.opensource.hp.com

Donc, Linux, c’est un grand chantier…

«Oui, qui touche les services et le support; il implique du conseil ou consulting, du suivi de projet et de la formation. Imaginez que nous avons formé 4.500 personnes dans le monde.»

Les équipes Unix et Linux cohabitent-elles chez HP ?

« Oui et non : il y a bien évidemment des passerelles, mais les équipes sont géographiquement séparées, autonomes. Pour Linux, nous avons, à Houston, notre propre stratégie, qui repose sur trois piliers : le logiciel, les services et les plates-formes.

Avec Linux, ca bouge très vite : tous les trois mois, une nouvelle version ou presque, de nouveaux ‘patchs’ jusque dans le noyau.»

Les limites de Linux ? Pourquoi Linux n’évince pas les Unix ?

«Linux ne peut pas – pas encore- adresser plus de 4 ou 8 CPU -unités de processeurs (contre 64 ou 128 avec Unix).
Et puis surtout, beaucoup d’entreprises ne sont pas prêtes à faire le pas vers Linux tant que les applications de l’utilisateur final ne fonctionnent pas nativement sous Linux. Ainsi, il faudrait que des solutions de gestion intégrée, des ERP (SAP, JDE… ) ou des applications de CRM soient nativement exécutables sous Linux.
Enfin, il faudrait que Linux fonctionne à la fois sur des plates-formes de 32 et de 64 bits -je dis bien à la fois.»

Mais un jour Linux va dépasser Unix?…

«Je n’ai pas d’études de marché en tête. Il faut s’attendre à une croissance étale d’Unix, alors que Linux va encore gagner du terrain, c’est certain.

Pour prendre une image, disons que Linux est à l’adolescence, tandis qu’Unix est depuis longtemps adulte. Linux, vous le savez, est né il y a douze ans à peine, « inventé » par Linus Torwalds et John Maddog-Hall. C’est encore jeune!»

Le litige entre SCO et IBM: peut-il freiner le marché Linux ?

«Franchement, nous ne le pensons pas. Nous suivons l’affaire en interne, nous avons eu quelques ‘mémos’ là-dessus mais pas de signes d’inquiétude. Nous affirmons haut et fort que nous continuerons d’assumer le support de Linux»

Est-ce l’argument massue de Linux, ce n’est sa quasi gratuité?

«Non, tout le monde sait que Linux n’est pas gratuit dans la pratique. Vous achetez une ‘distribution’, que ce soit SuZe ou RedHat ou autre, vous achetez du support, du développement avec. Cela dit, c’est moins cher, c’est sûr. Mais les responsables informatiques ont surtout compris que c’est le coût d’usage qui chute énormément.

Cela tient au principe même de Linux: il y a séparation entre hardware et software; donc, le client n’est plus enfermé dans un système propriétaire.

C’est cela qui garantit un TCO optimal (total cost of ownership, ou coût de revient total, en incluant le support, le prix et l’installation des mises à jour, la formation…). Voilà l’argument majeur que le marché est en train de comprendre. Qui dit standard ouvert, dit coût à la baisse!»

Propos recueillis par Pierre Mangin

[source – Silicon.fr] Pierre Mangin