Dans le litige qui l’oppose à IBM sur les droits d’Unix et de ses dérivés, SCO a révoqué la licence Unix d’IBM, et lui impose de rendre ses copies du code source, AIX compris
Petit rappel historique, tout d’abord : Unix a été développé dans les années 1960, par AT&T, qui en a vendu les droits à IBM dans les années 80 puis à Novell en 1992, qui, lui, les a cédés à Caldera/SCO en 1995. Une bonne affaire pour SCO, Unix devenant progressivement le système universel des moyens et grands systèmes informatiques.
Officiellement, SCO est donc bien le propriétaire intellectuel d’Unix. Mais pour exploiter le système d’exploitation et développer leur propre distribution de Linux, les éditeurs ont acquis des licences d’Unix. Auprès de AT&T tout d’abord. IBM, a donc acheté à AT&T en 1985 une licence permanente Unix, qui lui a permis de développer son Unix propriétaire, AIX. Sun a fait de même avec Solaris, ainsi que HP avec AUX, etc.
Entrée de Linux
Mais voilà, depuis lors, Linux et Microsoft sont passés par là ! Le marché des systèmes d’exploitation pour serveurs a explosé, et Unix a dû affronté deux compétiteurs plus que sérieux : Linux et Windows Server, qui ne cessent de lui grignoter des parts de marchés. Bien évidemment, la trésorerie de SCO s’en ressent !
Est-ce pour cela que SCO menace, puis attaque ? Le discours de SCO est simple : Linux est une ‘dérive non autorisée’ d’Unix dont elle possède les droits. Donc si la firme s’est engagée à ne pas poursuivre les entreprises équipées de Linux jusqu’à aujourd’hui, elle le fera dans l’avenir sur les entreprises qui vont s’équiper.
Si l’on prend en compte le marché Linux, son taux de progression, et son corollaire avec la chute du marche Unix, SCO n’aurait d’autre issue pour sa survie que de faire valoir ses droits sur ce qu’il considère comme sa propriété.
IBM a-t-il contrevenu au contrat le liant à Unix ?
SCO entend bien faire valoir ses droits, et en particulier auprès d’IBM: il l’accuse d’avoir intégré dans Linux des fonctions d’Unix développées par SCO; il entre donc dans sa propriété industrielle. Et ainsi de permettre à Linux de se développer au détriment d’Unix.
Première étape du bras de fer que se livrent SCO et IBM. Le 7 mars dernier, SCO a déposé une plainte contre IBM, assortie d’une demande en réparation d’un minimum d’un milliard de dollars! Il s’y ajoutait un ultimatum sur un délai de 100 jours, qui expirait ce lundi 16 juin, intimant à IBM l’interdiction de distribuer Unix et ses dérivés éventuels, entendez AIX et Linux!
IBM ignore la menace. Tout d’abord il rappelle que la licence a été acquise auprès d’AT&T. Ensuite que sa licence est ‘irrévocable, perpétuelle […] et ne peut pas être abrogée’. Ensuite parce qu’IBM n’est pas le seul à participer au développement de Linux, et que le système ouvert ne l’a pas attendu pour intégrer des fonctionnalités diverses proches de celles d’Unix. Enfin bien évidemment parce que le marché est trop important, avec une place de choix qui lui est réservée, pour qu’IBM l’abandonne.
IBM interdit d’Unix?!
Alors SCO a mis sa menace à exécution, et a signifié à IBM qu’il lui retirait sa licence Unix. Voici donc qu’IBM doit ‘cesser tout usage et distribution d’AIX’, et rendre toutes ses copies du code source d’Unix !
Qu’elle sera l’issue du conflit ? SCO se la joue, sûr de lui, et répète à qui veut l’entendre, et en particulier à l’agence Reuters, que « s’ils [IBM] continuent à ignorer l’ordre de révocation, et avec les dommages qui s’accumuleront chaque jour, nous ne sommes plus pressés de trouver un accord. »
Côté IBM, on semble sûr de son bon droit, mais on joue aussi la montre, en poussant SCO au procès. Une procédure litigieuse en propriété intellectuelle dure aux Etats-Unis entre un an et demi et trois ans, voire plus lorsque l’imbroglio est technique, ce qui est le cas ici.
Et la santé financière de SCO est fragile. Résistera-t-il si longtemps à son va-tout?
[source – Silicon.fr] Yves Grandmontagne