Avec près de dix millions d’abonnés broadband, le Japon fait aujourd’hui partie des pays les plus développés en matière d’Internet haut débit.
Chaque mois, 300 000 nouveaux clients japonais décident de s’abonner à une offre ADSL. Un succès qui s’explique essentiellement par les tarifs planchers proposés par les FAI japonais. Selon le palmarès Point Topic, Yahoo BB est la deuxième offre ADSL la moins chère au monde, derrière le Taiwanais Chunghwa, avec un tarif global de 29,27 dollars par mois. Un abonnement deux fois moins cher que celui proposé par France Télécom.
Et pourtant, il y a deux ans de cela, l’Internet fixe japonais était encore un marché atone. Le grand public boudait le Web sur PC, faute de haut débit mais surtout de tarifs attractifs. Une situation en grande partie provoquée par l’opérateur historique NTT : plutôt que de miser sur la technologie ADSL, le géant des télécoms a décidé de parier sur la technologie ISDN (Integrated Service Digital Network), dont les débits dépassent péniblement les 128 Kbps. L’ADSL reste alors une offre marginale dont le prix est inabordable.
En septembre 2001, un acteur va révolutionner le marché du haut débit. Yahoo BB, financé par Yahoo et Softbank, décide de casser les prix en lançant une offre ADSL à 2 280 yens par mois (17,55 euros). L’électrochoc est immédiat : en l’espace de deux mois, le prix moyen du forfait ADSL tombe au Japon à moins de 3 000 yens par mois (23 euros) alors que les abonnements mensuels coûtaient initialement entre 5 000 et 6 000 yens (38,5 et 46,2 euros). Un mouvement qui va se traduire par une explosion du nombre d’abonnés. Début 2001, le Japon ne compte que 16 194 abonnés ADSL. Deux ans plus tard, ils seront 6,5 millions.
Des débits allant jusqu’à 24 Mbps
Pour entretenir cette « folie » du haut débit, les FAI ne vont pas se limiter à une stratégie tarifaire discount. A partir de la rentrée 2002, un autre front commercial apparaît avec le débit proposé. Une fois encore, Yahoo BB ouvre la voie en lançant un pack à 8 Mbps. Suivront des offres à 12 Mbps, commercialisées à 4 000 yens par mois (30,76 euros), douze à vingt-quatre fois plus rapides que le plus haut débit ADSL proposé en France. Une course au débit qui n’est pas près de s’arrêter : dans les mois qui viennent, des offres ADSL à 24 Mbps devraient voir le jour au Japon.
Mais le 24 Mbps n’est qu’une étape. Le plan gouvernemental e-Japan lancé en janvier 2001, qui vise à faire de l’Archipel le pays le plus avancé dans la diffusion des NTIC, va encore encore plus loin. D’ici 2005, le programme prévoit que 30 millions de foyers seront reliés au haut débit (moins de 30 Mbps) et 10 millions au très haut débit (de 30 à 100 Mbps). Pour atteindre des vitesses aussi importantes, le Japon parie sur une autre technologie : la connexion FTTH (Fiber To The Home, fibre optique à domicile).
Le lancement commercial du FTTH s’est déroulé au printemps 2002. Sa couverture reste pour l’heure très limitée, principalement dans les grandes agglomérations japonaises. A la fin de l’année dernière, la FTTH comptait néanmoins plus de 200 000 abonnés. Sur le terrain, la bataille des prix sur la fibre optique a déjà commencé entre les FAI. Les frais mensuels pour une connexion à 100 Mbps sont proposés aujourd’hui à partir de 5 500 yens (42,35 euros) dans un bâtiment déjà câblé et à partir de 8 280 yens (63,76 euros) pour les foyers individuels.
La foire aux contenus
Mais l’essor du très haut débit pose un nouveau problème pour les FAI : quels contenus proposer ? Aujourd’hui, quelques fournisseurs d’accès se sont lancés dans la retransmission vidéo en direct d’événements ou les films à la demande. Malgré tout, selon l’enquête réalisée en janvier dernier par NTT-X, 40 % des abonnés haut débit japonais estiment que la quantité de contenu proposée sur les portails reste insuffisante. Dans le même temps, 30 % se disent prêts à payer pour accéder à des contenus supplémentaires.
Afin de répondre à cet engouement, les portails japonais travaillent selon deux axes. D’une part développer des accords de distribution avec les producteurs de contenu occidentaux comme la Warner Bros. D’autre part mutualiser les contenus dont ils disposent. Pour se faire, en avril 2002, NEC (Biglobe), Japan Telecom (ODN), KDDI (Dion) et Matsushita Electric (Panasonic hi-ho) ont créé le Mega Consortium. Cette structure, qui regroupe un parc total de 10 millions d’abonnés Internet, a pour objectif de permettre l’échange de contenus entre les différents FAI membres.
Vers la téléphonie sur IP
Un autre domaine intéressent au plus haut point les fournisseurs d’accès japonais : la téléphonie sur IP. Pour la plupart des FAI, ce service est même considéré comme la nouvelle « killer application » commerciale. Aux yeux des abonnés, la téléphonie sur IP permet surtout de réduire sa facture téléphonique et ce, d’autant plus que la distance d’appel est longue.
Sur ce nouveau marché, Yahoo BB – encore lui – propose une offre baptisée BB Phone, gratuite pour ses abonnés ADSL. Les appels directs entre les abonnés de Yahoo BB y sont également gratuits. Pour appeler une ligne fixe, le prix de la communication est de 7,5 yens (0,06 euro) les trois minutes sur tout le territoire japonais. Pendant ce temps, chez les opérateurs classiques, le même appel est facturé jusqu’à 20 yens (0,15 euro) les trois minutes. En quelques mois, BB Phone a réussi à engranger 1,97 million d’abonnés.
Cet intérêt pour la téléphonie sur IP ne se limite pas aux seuls FAI. Depuis octobre dernier, le Japon bénéficie d’un nouveau préfixe téléphonique, le 050, entièrement dédié à la téléphonie sur IP. Tous les acteurs télécoms se sont engouffrés dans la nouvelle brèche. NTT, l’opérateur historique, a d’ores et déjà annoncé qu’il gelait ses investissements dans les réseaux téléphoniques conventionnels afin de réorienter l’ensemble de ses infrastructures sur l’IP. La révolution Internet est toujours en marche.
[source – journaldunet.com] Riyako SuketomoJap’Presse